Danone à la peine : et l'ultra-frais ?
L’annonce d’un plan de redressement chez Danone, baptisé "local first", ressemble à une douche écossaise. Il implique la suppression prochaine de 2000 postes parmi l’encadrement, dont 400 en France. En cause, les eaux et l’alimentation infantile du groupe. À l’échelle de l’ultra-frais, le tableau est moins sombre. Quoique.
"Tous les contrats de travail, tous les salaires, mondialement, sont garantis. Il n’y aura aucune rupture de travail dans les trois mois qui viennent." En plein confinement, le 26 mars exactement, Emmanuel Faber, PDG de Danone, intervenait, rassurant, sur RTL.
Huit mois plus tard, le 23 novembre, l’annonce d’un plan de redressement baptisé "local first", impliquant la suppression prochaine de 2000 postes parmi l’encadrement, dont 400 en France, ressemble donc à une douche écossaise. Que s’est-il passé entre les deux annonces ?
"Nous avons été très touchés par les confinements mondiaux et la réduction de la mobilité", regrette le PDG, interviewé sur France Inter le matin du 24 novembre. Danone Eaux (Evian ou Volvic en France) accuse un milliard de pertes sur un chiffre d’affaires total de cinq milliards d’euros. Le cours de l’action Danone a chuté de 30% environ en un an. "Les devises sont d’une extrême volatilité. Deux milliards d’euros ont été effacés cette année, poursuit Emmanuel Faber. Il fallait réagir et redonner de l’autonomie au local, au terrain." Danone Eaux est lourdement pénalisé par la fermeture des bars et des restaurants. L’alimentation infantile (Blédina, Gallia) accuse le coup, sur un plus long terme, d’une baisse des naissances. Malgré des surcoûts de collecte du lait et de logistique, le bilan est nettement moins sombre à l’ultra-frais. Quoique.
De leader à challenger
Danone, qui détient sur ce rayon près de 28% des ventes derrière les MDD, voit son chiffre d’affaires progresser de 4,8% sur un an. Mais sa marque phare Activia est à la peine depuis plusieurs années, passant du statut de leader en 2016 (291 M€ de CA en hypers, supers et drive) à celui de challenger avec 250 M€ en 2019, derrière La Laitière (Lactalis-Nestlé) et ses 298 M€.
Des innovations qui peinent à s’installer dans la durée, aucun industriel n’y échappe. Mais malgré l’appétence des Français pour le local, le fait maison et la simplicité des recettes, Danone a parfois choisi pour ses lancements des créneaux élitistes, voire confidentiels.
Activia a tenté en 2018 des parfums "touche de thé vert-menthe" ou "kiwi-citron vert-aloe vera", aujourd’hui absents des linéaires. Depuis l’an dernier, Danone propose Activia shot de probiotiques (nature, gingembre ou matcha). Pointu.
Actimel se cherche avec des formules comme Actimel Système immunitaire, Actimel Mind, Recharge ou Activate, sorties chez Monoprix il y a deux ans. L’industriel a aussi tenté d’introduire en France Oikos. Sa marque de desserts aux accents de yaourt à la grecque très élaborés (banane caramélisée, café gourmand) a fait un aller-retour en 2019. Trop à contre-courant, sans doute.
Un affichage régional, en patois
Heureusement, l’industriel revient aussi aux fondamentaux. Depuis 2017, le repositionnement des yaourts blancs basiques Danone capitalise sur un lait collecté à 60 kilomètres autour de la laiterie et un packaging arborant la date de 1919, création de la recette originelle.
Le géant laitier s’est aussi lancé sur le végétal, le bio. En octobre, Danette vantait même ses nouvelles références bio à travers un affichage régional, en patois, là où sont implantés les sites de fabrication de la crème dessert. Il y a peu, Emmanuel Faber en personne assurait la promotion des ferments Danone destinés aux yaourts faits maison chez Monoprix. Gageons que ces innovations et une communication dans l’air du temps paieront sur le long terme."Cette crise a redonné de l’importance au local", confirmait ce matin le PDG.