La Ferme du Sart à Villeneuve-d’Ascq (59)
Attention ! En franchissant les portes de la Ferme du Sart, à Villeneuve-d’Ascq près de Lille, vous pénétrez dans un véritable ovni. Un objet de vente non identifié, entièrement conçu par un entrepreneur passionné, qui n’a pas hésité, depuis l’inauguration du magasin en septembre 2007, à tester une multitude de partis pris audacieux.
Pour cela, Matthieu Leclercq, qui ne manque pas de moyens (son père est le créateur de Décathlon), n’a pas fait dans la demi-mesure. La Ferme du Sart ne se limite pas à une simple surface de vente de 1 100 m2. Le bâtiment flambant neuf est accolé à une ancienne ferme flamande du XVIIe siècle entièrement rénovée, au plein cœur d’une exploitation agricole d’une quinzaine d’hectares, désormais rattrapée par l’urbanisation de la métropole lilloise. L’ensemble forme un étonnant parc dédié à la production, aux loisirs et au commerce.
Une dizaine d’hectares en production
Les journées portes ouvertes et les deux fêtes de la ferme annuelles permettent au public de découvrir le travail des trois salariés, qui cultivent, sur une petite dizaine d’hectares, fraises, courgettes, tomates, poireaux, carottes, choux, navets et pommes de terre, qui finiront sur les étals du magasin. 4 600 m2 de serres assurent également une partie de l’approvisionnement de la Ferme du Sart en fleurs. De nombreuses autres animations attirent, tout au long de l’année, des visiteurs, qui sont autant de clients potentiels. Les enfants peuvent s’initier au jardinage, au bricolage ou même monter sur un poney. Un parc animalier de 3 000 m2 accueillant poules, cochons, chèvres et autres animaux de la ferme, ainsi qu’un labyrinthe de maïs, en été, complètent le programme des festivités.
Même l’espace commercial à proprement parler propose son lot d’activités. Dès le hall d’entrée, les bambins restent scotchés devant un enclos à lapins, avant de piquer une tête dans une piscine de paille. Le soir, des cours de cuisine pour adultes sont organisés dans un espace spécialement aménagé.
Aucun stand trad
Au cœur de cet étonnant ensemble, le magasin surprend également. D’un seul coup d’œil, les clients peuvent embrasser la quasi totalité de l’offre : fruits et légumes, boucherie-charcuterie, crémerie, marée, boulangerie, etc. Tous les rayons d’un grand multifrais sont présents… mais sans aucun stand traditionnel. La Ferme du Sart a résolument opté pour le tout LS. Les pavés de saumon, steaks hachés, entrecôtes et autres produits présentés en UVCI sont disposés sur des meubles réfrigérés, très faiblement inclinés, comme pour les primeurs. Impossible de faire l’impasse sur telle ou telle catégorie. Les larges allées définissent un parcours quasi imposé.
Autre parti pris radical de Matthieu Leclercq : l’approvisionnement local. Si aucun produit n’est élaboré sur place, plus de 50 % proviennent de la région. Le magasin privilégie le direct producteur et complète son assortiment en se fournissant au Min de Lille. La promesse n’est pas spécialement mise en avant, mais de petites étiquettes placées sur les ardoises permettent d’affirmer ce positionnement. Le maroilles provient de le Ferme de Cerfmont à Maroilles, les yaourts de la Ferme Brabant à Monchecourt, la viande de bœuf des Établissements Bocquet à Saint-Amand-les-Eaux, les pains spéciaux sont produits à Lomme, les pommes à Herlies, les choux de Bruxelles à Verlinghem, etc. Même si la superficie de l’exploitation est relativement limitée, certains fruits et légumes ne parcourent que quelques dizaines de mètres pour passer des champs de la ferme à l’étal.
Pour satisfaire ses consommateurs, le magasin dispose, bien sûr, de fruits exotiques, de bananes ou d’agrumes. Mais avec modération. Le rythme des saisons est perceptible en rayon. Lors de notre visite, début janvier, la Ferme du Sart ne proposait pas de tomate cerise, par exemple. A l’inverse de nombreux multifrais, le point de vente se contente, en effet, d’un assortiment limité, autour de 500 références. Ici, la règle d’or du hard discount (un besoin, un produit) est quasiment respectée. En privilégiant toujours la qualité : uniquement de la race à viande en boucherie, du poulet fermier élevé en plein air en volaille, etc.
Plus de 6 000 clients par semaine
Pour que les prix n’explosent pas, l’aspect service, qui fait souvent la force d’un multifrais, est réduit à la portion congrue. Quelques employés en rayon répondent à l’occasion aux interrogations des clients. Mais ce sont ces derniers qui doivent le plus souvent travailler. Cette contrainte est avantageusement présentée comme une liberté : on peut ainsi soi-même trancher son pain ou choisir ses œufs en vrac pour constituer sa boîte de six. L’encaissement se fait exclusivement en self check out : 25 caisses automatiques permettent aux consommateurs de scanner eux-mêmes leurs produits.
La formule semble avoir séduit une clientèle assez nombreuse. La fréquentation de la Ferme du Sart dépasserait les 6 000 passages caisse par semaine. Mais, du fait des énormes investissements initiaux, la magasin est encore loin d’être rentable. Ce n’est, pour l’instant encore, qu’un prototype. Il ne pourra être dupliqué (certainement sous forme d’un réseau d’agriculteurs indépendants) qu’une fois le bon modèle économique trouvé.