Colruyt : le super dans son plus simple appareil
De près comme de loin, le magasin Colruyt de Halle (à proximité de Bruxelles) tient davantage du hangar que de la grande surface classique. Ici, l’entrée n’est assortie d’aucune grande baie vitrée comme c’est souvent le cas en France. Sur la façade austère, trois mots renseignent le chaland sur la vocation de la surface de vente : « Colruyt, meilleurs prix ». L’entrée unique donne directement sur le magasin, la galerie marchande étant inexistante. A voir tous ces clients pressés affluer ce mardi matin, les mains crispées sur leurs immenses chariots, on comprend qu’ils ne sont pas venus chez Colruyt pour flâner. De fait, l’atmosphère austère ne les y invite guère. Au sol, une large flèche peinte sur un revêtement grisâtre indique la direction à prendre pour commencer à faire ses courses dans ce qui est reconnu comme l’enseigne la moins chère de Belgique. Invariablement, Colruyt ressort effectivement n°1 de la grande enquête-prix de référence du pays, le test-achats, mené chaque année. Sur un chariot constitué à 70 % de marques nationales et à 30 % de produits premiers prix, l’enseigne est indéboulonnable de sa première place. Même Carrefour, pourtant très actif sur les prix depuis un an, reste plus cher, de 6 %. Cora et Delhaize, eux, affichent des écarts de 14 et 24 % respectivement. Des chiffres qui font oublier au consommateur que chez Colruyt, le confort d’achat passe après le prix.
A la boucherie, on ne fait pas la queue
Dès l’entrée, la surface fait davantage penser à une réserve de magasin. Si une majorité de produits sont présentés sur des étagères, le recours aux racks est systématique dès que les volumes le permettent. Comme chez les hard-discounters, les denrées sont présentées dans leur emballage d’origine. L’utilisation de box en carton ou de caisses plastiques est monnaie courante. La décoration, elle, pointe aux abonnés absents. Pas de photo d’ambiance, pas de panneau indicatif en débuts d’allées, seules quelques affiches rappellent, ça et là, la vocation de l’enseigne et l’existence d’une carte maison, permettant de régler ses achats.
Après avoir passé en revue l’allée des vins et alcools, le chaland arrive à la boucherie. Mais là, surprise. Plutôt que de se diriger vers le boucher, il attrape un bon de commande laissé à sa disposition. Après s’être également saisi d’un numéro de client, il se colle devant une immense vitre, derrière laquelle sont présentés les plats traiteurs, pièces de viande et autres préparations charcutières. Une fois les cases cochées sur le bon de commande avec, si besoin, des annotations sur l’épaisseur des tranches désirée, le client dépose son bon de commande au boucher avant de poursuivre son chemin. Il repassera une fois son chariot rempli pour récupérer le paquet que le boucher aura préparé et identifié grâce au numéro de client.
Des références bazar du sol au plafond
Autre originalité du concept, les gondoles bazar montent à plus de trois mètres. Et la partie haute n’est pas réservée au stockage de produits déjà présents dans la partie directement accessible par le chaland. Elle est traitée comme le reste du rayon et permet de proposer un nombre de références impressionnant au regard de la surface du magasin (4 500 m2). 12 000 codes non-al s’offrent au client. Seule obligation pour ces derniers : ne pas avoir le vertige ! Car ils sont obligés de monter à l’une des nombreuses échelles laissées à leur disposition pour attraper les références perchées en hauteur.
Côté prix, « Colruyt suit de très près la concurrence », résume Luc Rogge, directeur général de Colruyt Distribution. Loin du simple argument marketing, cet objectif se concrétise au quotidien par plus de 18 000 prix relevés chaque jour. Dès qu’un concurrent révise son tarif ou sort un prospectus sur les marques nationales, Colruyt s’aligne immédiatement. En magasin, cela se traduit par l’utilisation d’une étiquette rouge, bien connue des clients. Outre l’alignement tarifaire, cette dernière sert également à signaler les promotions ponctuelles.
Les premiers prix les moins chers
Autre point de repère pour le chaland, les premiers prix sont balisés par de larges étiquettes rouges portant la mention « Basic = meilleur prix en Belgique ». Sur cette offre d’entrée gamme, Colruyt suit aussi la concurrence de près. Hard-discount et GMS classiques sont passées au crible. Et même lorsque le produit n’a pas d’étiquette rouge, il peut permettre au chaland de réaliser de bonnes affaires. La centrale négocie, par exemple, avec les fournisseurs la distribution de bons de réduction, ensuite gérés en interne. Et sur une majorité de produits, le client se voit proposer une réduction de prix moyennant un achat en grande quantité.
Mais comment font-ils pour tirer autant sur les prix ? « Bien sûr, il faut pouvoir acheter au meilleur prix, ce que nous savons faire grâce à notre expérience, explique Luc Rogge. Mais, même en Belgique où il n’existe pas d’équivalent à la loi Galland, cela ne suffit pas. Nous réalisons d’importantes économies sur nos frais de fonctionnement ». Trois exemples parmi d’autres, les néons éclairent deux fois moins intensément que dans les grandes surfaces classiques, les étagères sont « bricolées » en interne et le sol est dépourvu de carrelage.
Une vraie course aux économies d’énergie
Autre source d’économie, les produits frais sont regroupés dans une immense chambre froide, séparée du reste du magasin par un simple rideau plastique. Dans la même veine, les surgelés sont présentés dans des coffres fermés, dont l’inconvénient majeur est de cacher les produits à la vue des clients. Conscientes de ce frein à l’achat, les équipes de Colruyt ont concocté des étiquettes apposées sur chaque bac. Le client peut y lire que ce système de conservation permet des économies d’énergie tout en garantissant un meilleur respect de la chaîne du froid et une conservation optimale. Malin et surtout rassurant pour une clientèle belge globalement plus « écolo » et attentive à l’hygiène que la clientèle française. Pour aider le chaland dans son repérage, des photos surplombent chaque meuble. Preuve qu’il n’existe pas de « petite économie » chez Colruyt, celles-ci sont juste imprimées sur des feuilles papier standard. Pas question de se répandre en frais de reprographie dispendieux ! A en croire les comptes de la société, ce souci du détail se révèle payant. L’an passé le bénéfice a progressé de plus de 30 % tandis que le chiffre d’affaires se « contentait » d’un + 16 %. Plus qu’honorable en pleine guerre des prix !