Auteuil : un premier essai de «clusterisation» Carrefour
Carrefour veut davantage spécialiser son parc d’hypers en fonction des zones de chalandise. Des modèles types sont en cours d’élaboration. Le premier laboratoire vient d’ouvrir, avec l’hyper de la porte d’Auteuil. Huppé mais séduisant.
« Clusterisation ». Derrière cet anglicisme barbare se cache une idée simple : ni plus ni moins que des typologies de magasins. Dans le groupe Carrefour, le concept a été formalisé en Amérique du Sud, lors de la grande crise du milieu des années 2000. Au Brésil et en Argentine notamment, la nécessité s’est fait sentir de mieux adapter les magasins à des zones de chalandise hyper hétérogènes en termes de pouvoir d’achat.
L’idée fait son chemin pour le parc hexagonal depuis l’arrivée du duo Gilles Petit – Alain Souillard aux commandes de la France début 2008. Le chantier ne fait que commencer, mais à terme, une dizaine de profils type pourraient être définis.
« Simple bon sens commerçant que d’adapter son magasin à sa zone », jugeront certains, non sans à propos… Et au-delà d’une volonté de sortir du modèle unique, Carrefour est surtout poussé par la nécessité de trouver des réponses à la crise structurelle du secteur non-al, qui plombe toutes les enseignes d’hypers.
23 700 €/m2 mais en perte de vitesse
C’est à Auteuil que le premier Carrefour « spécialisé » vient d’être inauguré, après quatre mois de travaux. C’est un laboratoire rêvé pour tester la clusterisation tant ce magasin présente d’aspérités : un 6 000 m2 dans Paris intra-muros, situé dans un quartier à très fort pouvoir d’achat. Cet hyper est une pépite pour Carrefour. Selon nos informations, il a dégagé en 2008 plus de 23 700 euros de CA/m2 (carburant inclus), ce qui le place sans doute dans les cinq meilleurs hypers de France ! Mais Auteuil est à la peine. Vieillissant, le magasin perd des débits. Son chiffre d’affaires (128 M€) a chuté de 6 % l’an dernier, après un - 4,1 % en 2007. Cinglant.
Des choix drastiques sur le non-al
Pour redresser la barre, Carrefour a pris des options drastiques et courageuses. « Faire des choix c’est renoncer et ce n’est jamais simple, confirme Alain Souillard, le directeur exécutif des hypers France. Quand nous avons annoncé au directeur, Daniel Kalache, que l’on supprimait le rayon TV, l’idée n’a pas été facile à accepter sur le coup. » De fait, à Auteuil, le non-alimentaire a été proprement sacrifié. Les assortiments sont en recul de 40 % sur ce secteur. En dehors d’un peu de culturel, de consommables, de bazar léger pour la maison et de textile permanent, il ne reste quasiment plus rien. Le seul palliatif pour les clients consiste désormais en un kiosque permanent permettant de commander, via des bornes internet, quelque 20 000 articles du catalogue de livraison à domicile qu’a développé Carrefour depuis deux ans.
Un 6 000 m2 chaussé comme un 15 000
A l’inverse, l’alimentaire sort très sérieusement renforcé de la rénovation. Sur le frais LS en particulier, on pourrait facilement se croire à Montesson ou à Ecully, des hypers dépassant les 15 000 m2, tant les rayons sont grands et les facings généreux. Un gros travail a été réalisé sur l’offre pour qu’elle colle davantage au prestige du quartier.
L’enseigne s’est clairement inspirée de ce que Monoprix ou la Grande Epicerie de Paris sont capables de faire dans les zones privilégiées. Résultat, l’épicerie fine est un rayon à part entière. Un îlot imposant a été attribué à Fauchon, mais Eric Bur ou Ménès bénéficient aussi de gondoles entières, tandis que quatre petits spécialistes moins connus (Florian, Kusmi Tea, etc.) disposent d’un élément chacun. Encore plus fort, cet univers épicerie fine est complété par une gondole froid qui accueille du foie gras et des plats préparés haut de gamme. Toujours dans le même esprit, le traiteur à la coupe dispose d’une petite vitrine spécifique pour le caviar et propose des recettes typées réception. Même débauche de luxe à la cave à vin, où le flacon le plus cher frise 1 300 € (un Pétrus). Enfin, en parallèle au rayon conventionnel, les fruits et légumes disposent d’une bergerie consacrée à des compléments de gamme valorisés, dépotés main.
1 000 références bio en épicerie
L’hyper propose également un regroupement total de l’offre bio, y compris le frais LS et les fruits et légumes, dans un corner dédié. L’offre d’épicerie a été doublée pour l’occasion et totalise désormais 1 000 références environ. Sur les premiers jours, la quote-part du bio atteindrait déjà 5 % !
Carrefour a osé pousser très loin les curseurs de l’adaptation locale et on ne peut que saluer cette audace. Il est difficile néanmoins d’imaginer en quoi les initiatives spécifiques prises ici seront susceptibles d’être dupliquées, tant la problématique d’Auteuil est atypique au sein du parc de l’enseigne.