SRP : Emmanuel Macron ne signera pas de "chèque en blanc" à la distribution
Emmanuel Macron a tranché. Il est favorable à une hausse du seuil de revente à perte et à un encadrement des promos, mais demande des garanties quant aux répercussions pour les agriculteurs avant de modifier le code de commerce. Il souhaite en revanche que les coûts de revient agricoles soient pris en compte dès les prochaines négociations commerciales, sans attendre la loi.
Un nouveau texte législatif sera voté dès le premier semestre 2018, sous forme d’ordonnance si nécessaire, a promis le président de la République ce 11 octobre à Rungis, lors d’un rapport d’étape des états généraux de l’alimentation.
L’atelier consacré aux relations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs cherchait pour l’essentiel à poser des limites à la guerre des prix. Il a accouché de propositions réglementaires visant à interdire la cession de produits alimentaires à des prix abusivement bas, à encadrer dans le même esprit les promotions sur ces produits et à augmenter les seuils de revente à perte en ajoutant les coûts de distribution aux prix d’achat.
L’idée, s’agissant des SRP, est que l’instauration de marges "obligatoires" sur les grandes marques bataillées conduirait les distributeurs à accepter de baisser les prix des produits agricoles et/ou de payer plus cher les fournisseurs de ces rayons.
"Stopper la course aux prix"
"Une hausse du seuil de revente à perte, sans accompagnement, c’est une forme de chèque en blanc, a tancé Emmanuel Macron. Et dans quelques mois, on se réveillera avec les mêmes problèmes, et les mêmes demandes d’aides au ministère de l’Agriculture."
"Il ne faudrait pas non plus tomber dans la facilité d’un accord entre producteurs, industriels et distributeurs qui omettrait les consommateurs", a-t-il prévenu.
Le président a certes insisté sur sa volonté de "lutter contre les prix abusivement bas, stopper la course aux prix". Mais avant de donner son blanc-seing à une hausse des SRP, il réclame, filière par filière, la construction d’ici la fin de l’année d’un véritable plan d’objectifs apportant des garanties sur la juste rémunération des agriculteurs qui en découlera.
C’est à cette condition que la loi en préparation pour le premier semestre 2018 instaurera une hausse du seuil de revente à perte sur les produits alimentaires et un encadrement des promotions.
Les distributeurs venus écouter le président, interrogés par Linéaires, se sont montrés peu bavards sur les garanties qu’ils pourraient offrir en contrepartie de ces marges "obligatoires". "Nous nous engagerons à travers des chartes, filière par filière", a répondu Serge Papin, président de Système U. "Nous travaillerons collectivement sur une charte", a confirmé Jacques Creyssel, pour la fédération du commerce et de la distribution. Les autres ont botté en touche.
Michel-Edouard Leclerc, depuis son blog (l’auditoire réuni à Rungis lui était hostile, applaudissant quand une pique le concernait), s’est réjoui de la position assez nuancée du président sur le SRP. Son enseigne capitalisant sur les prix bas, il reste opposé à tout relèvement du seuil de revente à perte. Durant les débats des états généraux de l’alimentation, il s’est en revanche rangé à l’idée d’un encadrement des promos, reconnaissant lui-même que la situation était devenue "un peu incontrôlée".
Partir des coûts de revient agricoles
A la différence du SRP, les propositions de l’atelier qui a planché sur la façon d’obtenir des prix plus rémunérateurs pour les agriculteurs, elles, ont fait l’unanimité. A savoir : des contractualisations renforcées, sur des périodes plus longues et, surtout, qui tiennent systématiquement compte des coûts de revient de la production agricole.
"Nous modifierons la loi afin que les tarifs soient construits à partir des prix de production, a promis Emmanuel Macron. Et sans attendre, je souhaite que les négociations commerciales qui commencent dans quelques semaines reflètent déjà l’esprit de cette loi, par des engagements clairs."
Le président, enfin, a prévenu les mauvais joueurs. Les producteurs qui rechignent à se regrouper toucheront moins d’aides. Les industriels qui ne publient pas leurs comptes subiront de façon plus systématique les condamnations prévues par la loi. Et les distributeurs qui se laissent aller à des comportements abusifs en négos seront dénoncés sans complexe, à la mode du "name and shame" des anglo-saxons (littéralement "nommer et faire honte").
"Je suis prêt à m’engager, je demande à chacun de faire aussi un peu différemment", a conclu Emmanuel Macron.