DOSSIER CDEC

Qui sont les gagnants des CDEC ?

12 janvier 2005 - P. Bachelier et B. Merlaud

Encore une belle année. La distribution alimentaire a gagné, au cours des douze derniers mois, plus de 620 000 m², soit l’équivalent de 69 hypermarchés de 9 000 m². Ces chiffres intègrent les circuits hypers et supermarchés, le hard discount et les magasins de proximité. Ils sont issus d’une enquête exclusive menée par Linéaires, compilant les décisions des CDEC. C’est en effet au sein de ces Commissions Départementales d’Equipement Commercial que sont acceptées ou refusées les demandes de création et d’extension des surfaces commerciales, pour toute superficie supérieure à 300 m². Conformément à la loi Raffarin.
Pour mémoire, les enseignes avaient obtenu entre juillet 2002 et juin 2003 près de 580 000 m² (cf. Linéaires n°184). Elles font donc encore mieux en 2004 avec une superficie totale obtenue en progression de 8 %. Les CDEC se seraient-elles montré plus généreuses ? Non, au contraire. L’explication est ailleurs. Car entre les deux périodes étudiées, le taux d’obtention s’érode : 68 % des surfaces demandées ont été accordés contre 72 % sur la période précédente. Si les enseignes ont obtenu davantage, c’est qu’elles ont été plus gourmandes : 14 % de mètre carrés réclamés en plus. C’est surtout vrai pour les supermarchés (+ 26 %, avec 447 dossiers déposés contre 365 en 2002-2003) et pour le hard discount (+ 13 %).

Match le plus en pointe

Les grands gagnants de l’année sont les supermarchés. 74 % des superficies demandées ont ainsi obtenu le feu vert des CDEC. Les plus en pointe ? Match (90 %) et Monoprix (80 %). L’enseigne nordiste, tout comme celle du Citymarché d’ailleurs, possède deux atouts de taille pour obtenir les largesses des Commissions. « Nos dossiers concernent surtout des extensions et peu de création, ce qui est plus facile à faire passer. En outre, nos magasins sont plutôt urbains et drainent la clientèle en centre ville. Cela rassure les élus», explique Jacques Florange, responsable expansion de l’enseigne. Mais Match récolte surtout les fruits d’une forte implication sur le terrain.
« Nous informons systématiquement et très tôt le maire de la commune concernée par notre projet et nous entretenons depuis toujours d‘étroites relations avec les Chambres de Commerce ». C’est un fait, le lobbying auprès des élus et des chambres consulaires est indispensable en amont du dépôt des dossiers. Il permet notamment de « prendre la température » pour construire au mieux son projet. Certains sont d’ailleurs retirés avant le jour J, lorsque le refus est pressenti, et sont parfois représentés plus tard après aménagement de la demande. « Mais c’est surtout la relation dans la durée qui est payante », insiste Jacques Florange. Reste que les distributeurs butent parfois sur des décisions purement politiques (cf. encadré).

Les U plus gourmands

Derrière Match et Monoprix, les U (79 %) et les Mousquetaires (78 %) font aussi bonne figure avec des scores supérieurs à la moyenne des supermarchés. Sans doute la juste récompense d’une implication jamais démentie dans le tissu local. Plus gourmands que les autres (132 000 m² demandés), les U sont les mieux lotis en mètres carrés, loin devant Intermarché (20 % de moins). Les Mousquetaires ont pourtant déposé davantage de dossiers (143 pour 118), mais pour une surface totale inférieure. Déception, en revanche, pour Champion, Casino et Atac, dont les taux d’autorisation sont sous la barre des 70 %, l’enseigne d’Auchan faisant même moins bien que l’ensemble du hard discount (51 %).
Satisfaisante pour les supermarchés, l’année 2004 n’aura à l’inverse pas été un bon cru pour les hypers. Seuls 64 % des mètres carrés sollicités ont été accordés, contre 82 % en 2002/2003 - pour une superficie totale et un nombre de dossiers comparables. Au final, les hypers ont obtenu 20 % de moins. Cette contre-performance est à nuancer, car l’impact d’un refus est logiquement plus fort pour un circuit qui dépose un nombre limité de dossiers (126 contre près de 447 pour les supers). Exemple avec Cora, dont l’un des trois projets de l’année a été refusé (Mundholseim) alors que l’enseigne faisait carton plein en 2003.

Leclerc rafle la mise

Avec Géant et Hyper U, Cora fait tout de même partie des bons élèves à l’examen des CDEC. A l’inverse, Leclerc et Carrefour coiffent le bonnet d’âne. Avec un modeste score de 60 %, le distributeur breton plombe littéralement la classe hypermarchés. Car il est à l’origine de 55 % des dossiers déposés et de la moitié des surfaces demandées. Leclerc n’engrange pas moins de 46 % des mètres carrés obtenus par les hypers. Leclerc profite, certes, de la petite taille moyenne de ses magasins. Mais c’est aussi la preuve, une fois de plus, que la stratégie du dépôt tous azimuts est payante, la quantité venant pallier le manque de qualité des dossiers.
Cette règle s’applique tout autant à Lidl. Le discounter allemand est crédité d’un taux de 55 % seulement, mais il a déposé 94 dossiers et s’octroie, de fait, la plus grosse part du gâteau attribué au circuit hard discount. A l’évidence, les maxi discomptes peinent encore à convaincre les CDEC. Seulement 57 % des surfaces sollicitées ont obtenu un feu vert et seuls Netto et Ed parviennent à rivaliser sur ce point avec les supermarchés.

Un gain virtuel de 14 % pour Netto

Si l’on compare les mètres carrés obtenus en CDEC aux surfaces déjà exploitées par les enseignes, le hard discount s’affirme néanmoins comme le champion de la croissance. Le cumul des autorisations permet à ce circuit d’accroître sa taille de plus de 6 %. Avec un gain potentiel de 14 %, Netto fait preuve du plus fort dynamisme. S’agissant de la distribution classique, la palme revient aux Nouveaux Commerçants. Lesquels s’offrent les moyens d’augmenter de 9 % la surface de leur parc. Mais il ne s’agit là que de progressions théoriques. Car l’accord d’une CDEC ne vaut pas pour argent comptant. Un recours, de la part d’un concurrent, d’une chambre consulaire ou d’un élu, est encore possible pour annuler la décision. Et si le recours est débouté, les opposants du projet peuvent contester le permis de construire. Bref, le chemin peut être long avant la pose du premier parpaing.

CDEC : un sujet politique ?

« Ca n’est que politique, il n’y a plus rien d’économique dans les décisions des CDEC ». Ce coup de gueule est celui d’un responsable expansion dans une enseigne d’hypermarché. « On nous demande de monter un projet complet avec des études d’impact, mais il n’y a que la DDCCRF qui les lit. Dans la plupart des cas, les élus n’en tiennent pas compte. La décision finale est le résultat d’arrangements entre les politiques». Et un confrère d’une enseigne de supermarché de renchérir : « les élus se contentent de feuilleter les dossiers et raisonnent plus souvent en termes d’image pour leur commune qu’en termes économiques ».
Voilà deux avis bien tranchés sur la question, qui reflètent le climat parfois houleux régnant autour des décisions des CDEC. Et si le soupçon de « versements occultes » pèse encore sur certaines autorisations, les compensations sont aussi parfois de notoriété publique. Exemple à Nœux-les-Mines en 2003, où l’autorisation de créer un projet commercial comprenant un hypermarché Carrefour a suscité un véritable tollé. La raison ? Impliqué dans la décision, le maire de Béthune Jacques Mellick aurait « monnayé » sa voix contre un chèque de 5 M€ - 10 M€ selon la presse locale - versé par les promoteurs du projet à la commune. Un recours a été déposé pour annuler l’autorisation. L’instruction est toujours en cours.

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