Pourquoi Carrefour rachète-t-il la petite enseigne spécialisée So.bio ?

19 juillet 2018 - B. Merlaud

Pourquoi Carrefour rachète-t-il la petite enseigne spécialisée So.bio ?

Carrefour va faire l'acquisition de So.bio, une enseigne bio qui compte 8 points de vente dans le Sud-Ouest (35 millions d'euros de chiffre d'affaires environ). Parce que le distributeur a besoin d'une marque spécialisée pour référencer les industriels "militants", mais aussi parce que So.bio a construit un modèle original. L'analyse de Linéaires.

Dans une belle unanimité, les distributeurs généralistes lorgnent avec gourmandise sur le pré carré des enseignes spécialisées bio, un marché qui leur échappe encore pour l'essentiel. Le moment est idéal. Les achats bio des consommateurs explosent, tandis que la multiplication des acteurs et des corners en GMS met sous pression les opérateurs spécialisés de second plan.

Les principaux réseaux affichent une expansion insolente (Biocoop en tête), mais les rendements du secteur (CA/m²) sont en baisse. Plusieurs distributeurs de taille modeste ont besoin aujourd'hui de s'adosser à de grosses structures, quand ils ne cherchent pas tout simplement un repreneur.

Un passage obligé pour référencer les marques exclusives

Les Mousquetaires ont ainsi été accueillis à bras ouverts par les Comptoirs de la bio, dans lesquels ils ont pris une participation minoritaire en début d'année. La possibilité donnée aux adhérents Intermarché d'ouvrir leurs propres magasins bio devant accélérer le développement de l'enseigne.

Mettre un pied dans la distribution spécialisée est aussi un passage obligé pour référencer les marques exclusives à ces réseaux. Leclerc a payé pour le savoir : lui qui veut casser les prix de cette "distribution sélective" en lançant sa propre enseigne a toutes les peines du monde à trouver des fournisseurs autres que ceux qui livrent déjà ses hypermarchés. Tant que la signature Leclerc s'affichera au fronton des magasins, même 100% bio, les marques des réseaux spécialisés rechigneront à venir.

Le groupe Casino se félicite, lui, d'avoir racheté l'enseigne Naturalia en 2008 et ouvre des magasins à tour de bras. En dix ans, il a déjà triplé la taille de son parc (166 unités à fin juin 2018).

Auchan, qui lancé l'enseigne Auchan Bio en 2017 (un seul site à date), ne s'est pour autant pas décidé à fermer ses deux magasins Cœur de Nature, un concept bio spécialisé qu'il avait testé avant de mettre en œuvre sa stratégie de convergence de marque.

Carrefour Bio à pas mesurés

Il en va de même pour Carrefour, qui entend jouer sur les deux tableaux en proximité bio, typée GMS ou spécialisée. Le développement de Carrefour Bio, d'abord, se fait à pas mesurés à travers la location gérance. L'enseigne est apparue en 2013 et compte aujourd'hui 19 magasins. Essentiellement à Paris et dans sa première couronne, mais aussi, désormais, à Lille, Toulouse, Lyon, Grenoble ou Nice.

Le site de vente en ligne de produits bio Greenweez, que Carrefour a racheté en 2016, aurait pu servir de prête-nom à un réseau de magasins spécialisés (la rumeur d'un tel projet a un temps circulé en interne). Mais c'est finalement So.bio, en toute logique, qui lui servira donc à avancer sur le marché spécialisé.

Fondée en 2005 par un couple d'entrepreneurs, Jean-Marc et Nathalie Lachat, la société So.bio compte actuellement 8 magasins dans le Sud-Ouest de la France (de Bordeaux à Toulouse, en remontant jusqu'à Cognac). Deux ouvertures supplémentaires sont déjà programmées, à Toulouse et à Pamiers, au pied des Pyrénées.

Les magasins So.bio s'étendent sur 500 mètres carrés en moyenne

Une MDD "So.bio sélection"

So.bio a réalisé en 2017 près de 35 millions d'euros de chiffre d'affaires, selon nos estimations. Les magasins sont de bonne taille pour le secteur : 500 mètres carrés en moyenne (jusqu'à 750 mètres carrés à Pessac, dans la banlieue bordelaise) avec un assortiment de 9.000 à 11.000 références. Dont 200 produits vrac et même, déjà, une petite MDD "So.bio sélection" de 150 codes (si elle se développe, il faudra voir comment la faire cohabiter avec So'Bio, la marque de cosmétiques de Léa Nature).

Dans le paysage de la distribution bio spécialisée, le magasin type jauge plutôt un peu moins de 200 mètres carrés et aligne 4000 références.

Les Lachat, propriétaires de tous leurs magasins, ont aussi su trouver de bons emplacements. A Montauban, Cognac, Pessac et Agen, ils sont à deux pas d'un hyper Auchan ou Géant Casino. A Biganos, ils sont carrément installés sur le parking d'Auchan, dans un bâtiment occupé en commun avec Picard. Au Haillan, So.bio partage un rond-point avec Grand Frais et Chronodrive.

Bref, le réseau, s'il est modeste, a été construit avec sérieux. Jean-Marc Lachat s'est même frotté à la vente en ligne en co-dirigeant Webécologie, un site internet qui commercialise l'assortiment (hors produits frais) de So.bio. Plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires en 2014, selon les derniers comptes déposés.

La philosophie de l'enseigne

So.bio se distingue aussi par ses approvisionnements directs et la formation de son personnel. Chaque fois que c'est possible, le distributeur spécialisé s'appuie sur des fournisseurs locaux plutôt que sur les grossistes habituels des indépendants bio. Dans presque tous les magasins, des bouchers travaillent directement sur carcasse dans leur labo, élaborent de la saucisserie maison. Jamais de PAD. Les stands coupe, avec fromage, charcuterie, traiteur, volaille et boucherie sont la norme dans le concept de l'enseigne.

Neuf sessions de formation sont organisées chaque année à destination du personnel. Pour accompagner les clients et expliquer les choix de la petite enseigne, sa philosophie. Car So.bio, dans ses référencements, se montre régulièrement plus exigeant que le cahier des charges de l'agriculture biologique : origine des matières premières, diminution des additifs, utilisation de lait non homogénéisé, huile cosmétique non estérifiée, etc.

"So.bio est un des meilleurs concepts de magasin bio spécialisé en France en raison de la qualité de son offre produits, de son positionnement prix, du savoir-faire de ses équipes et de sa gestion efficace", estime Benoit Soury, le directeur marché bio de Carrefour. Le projet du distributeur, aujourd'hui, est de développer l'enseigne et de l’étendre sur le territoire français.

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