MDD : Leclerc met le grand braquet
« En 1996, la loi Galland nous a conduits à développer des MDD, ce qui ne correspondait pas à la philosophie initiale de Leclerc. Sauf infléchissement improbable, le texte de Christian Jacob nous contraindra à nous adapter une nouvelle fois. Nous allons pousser les MDD jusqu’à 50 % des ventes, au minimum ». Leclerc, par l’entremise de Jean-Pierre Gontier, le patron de la Scarmark, annonce la couleur et met la pression. Aux grands maux, les grands remèdes ! L’enseigne veut préserver ses marges. Lesquelles seront malmenées par la limitation à 20 % des budgets de coopération commerciale. « Le SRP va baisser et tôt ou tard il deviendra le nouveau prix public », prédit J.-P. Gontier. En l’occurrence, Leclerc ne sera pas le dernier pour impulser ce mouvement…
Seule planche de salut : compenser les pertes prévisibles par un développement brutal des MDD. « Nous allons élargir l’offre en nous positionnant sur des familles où nos marques n’étaient pas encore présentes et en multipliant les contretypes (des produits me-too, ndlr) », explique Jean-Pierre Gontier. Un exemple parmi d’autres : là où Leclerc n’avait qu’une lessive Marque Repère (Epsil) ciblant Ariel, il y aura bientôt trois références. Le chantier est colossal et ambitieux. Car les produits maîtrisés par l’enseigne ne représentent pour l’heure qu’un tiers des ventes en volume et 27 % du chiffre d’affaires (20 % pour marque Repère, entre 5 et 6 % pour Eco + et 1 % pour les marques thématiques).
Une telle stratégie n’est neutre pour personne. A commencer par les marques nationales, a fortiori les challengers, qui vont souffrir au premier chef. « Vendre des marques nationales devient dangereux. Nous ne voulons pas être au tribunal toutes les semaines. », lance J.-P. Gontier, en faisant allusion au renversement de la charge de la preuve prévu par le texte Jacob, s’agissant de actions de coopération commerciale. Pas neutre non plus pour les concurrents. Car si Leclerc parvient à vendre les produits leaders de l’alimentaire à zéro de marge avant, les autres enseignes n’auront d’autre choix que de s’aligner. Et donc d’adopter la même stratégie « pro-MDD » pour sauvegarder leur équilibre financier. Lourdes conséquences en perspective… Ce que d’aucuns, politiques et fournisseurs en tête, ne manqueront pas d’interpréter comme une forme à peine voilée de chantage à quelques semaines du vote de la loi.