MDD, le nouveau champ de bataille des prix

6 avril 2005 - Florent Vacheret

La tendance est plus qu’amorcée, elle est confirmée. Selon Panel international, les prix des MDD baissent en continu depuis 18 mois. Les étiquettes des marques d’enseignes (hors premiers prix) ont décroché en moyenne de 2,3 % sur un an. Un phénomène inédit dans la jeune histoire de la distribution. Reste posée la question de fond : les distributeurs sont-ils en train de « détruire de la valeur », selon l’expression consacrée, ou ce discount des MDD n’est-il que la nécessaire réponse à une nouvelle donne ? Réponse de Normand : un peu les deux… « Bien sûr que l’on détruit de la valeur, reconnaît sans fard Jean-Pierre Gontier, le PDG de la Scamark (Leclerc). Les plus crédibles sur les prix, compenseront cet investissement par une croissance des volumes, mais il n’est pas sûr que ce soit le cas pour tout le monde… ». Chez Casino, le « patron » des MDD, Yves Marin complète : « Il y a une demande croissante des clients pour les offres économiques, surtout en hypers. Et le hard-discount fait peser une menace énorme sur les paniers moyens. Il faut donc s’adapter si l’on veut arrêter de se lamenter à la lecture des panels… Baisser les prix des MDD fait partie des armes efficaces.» A condition d’atteindre le seuil des 5 %, en-dessous duquel les clients ne perçoivent pas la baisse. On perd alors de la marge, sans compensation sur les volumes… .

Les MDD explosent : merci Sarkozy

Dans les états-majors, l’idée selon laquelle la marque de l’enseigne s’impose auprès des clients comme le nouveau référent prix, en lieu et place des grandes marques, a fait son chemin. Autrement dit, être compétitif sur les MDD serait aussi important pour l’image prix et l’attractivité de l’enseigne, que de l’être sur les grandes marques. Sous couvert d’anonymat, le Monsieur MDD d’une grande enseigne raconte : « Notre MDD suivait un bon tempo de croissance de l’ordre de + 6 % entre janvier et août 2004. Mais à la rentrée, tout s’est accéléré avec la médiatisation de la baisse des prix Sarkozy. On a mis dans la tête des Français que les grandes marques les « arnaquaient ». Résultat : nos ventes de MDD se sont mises à bondir soudainement. Selon les mois, nous avons fait entre + 12 et + 25 % jusqu’à la fin de l’année, au point que certains fournisseurs n’arrivaient pas à suivre ».
Menace permanente du hard-discount aidant, la pression sur les prix des marques propres n’est pas près de se relâcher. La partie la plus visible concerne la promo, où les MDD participent très largement aux nouvelles mécaniques agressives : Leclerc a offert jusqu’à 50 % en Ticket sur les produits Marque Repère, Carrefour donne 5 % en permanence sur sa marque et les produits Carrefour fournissent le socle de ses fréquents lots virtuels (3 pour 2), etc. Dans la même veine, l’opération « Les Gratos » de Casino en février proposait un produit MDD remboursé pour un produit acheté. La réussite de l’opération incite le Stéphanois à renforcer ce type de mécaniques dans ses plannings 2005/2006.

Marque Repère : 33 à 34 % moins cher

Mais l’effort, le vrai, porte avant tout sur le fond de rayon. Portés par une croissance annuelle de 10 %, les prix des produits U ont baissé de 7 % depuis le passage à l’euro. Et de 1,5 % sur la seule année 2004. « Nous n’avons fait que suivre le mouvement de la concurrence, pour rester dans le marché, en privilégiant une stratégie de « prix bas tous les jours » plutôt que des coups promo», explique Pascal Millory, directeur de la centrale d’achat alimentaire des Nouveaux Commerçants. « Nous avons maintenu le décalage entre la Marque Repère et les marques nationales lorsqu’elles ont appliqué les 2 % de baisse Sarkozy, poursuit Jean-Pierre Gontier à la Scamark. Y compris sur les produits qui ont été sacrifiés de 10 ou 15 %. Cela a parfois été douloureux, mais nous ne voulions pas céder». La Marque Repère est ainsi toujours décrochée d’au moins 25 % face au leader. Dans la pratique, le différentiel moyen atteint même 33 à 34 %. Un record. Seul Carrefour fait mieux, mais avec une partie de sa gamme seulement, les produits PCI, introduits à l’automne 2003. Calée en prix sur le hard-discount (Lidl en particulier), cette gamme représente aujourd’hui 4 % du chiffre d’affaires. Reste que la mise en place « brutale » - selon les propres termes de Guy Yraeta, le patron des hypers France - de doublons à l’offre Carrefour classique, 25 % moins chers, ne va pas sans poser quelques questions… Un vaste chantier visant à améliorer la cohabitation des deux offres est en cours.

Personne n’est pressé d’en « remettre une couche »

Cora, aussi, s’est essayé à ajuster les prix de ses produits sur ceux du hard-discount. Mais en test, sur une cinquantaine de PGC et produits frais et dans quelques magasins seulement. Formalisée par des étiquettes « prix barrés » en rayon, l’expérience s’est montrée concluante avec une augmentation des ventes atteignant jusqu’à 30 %. Depuis, Cora a engagé une redéfinition de ses cahiers des charges sur tous les produits à « faible valeur ajoutée gustative » afin de les rendre plus économiques. « Nous essayons de revoir les recettes et les emballages pour abaisser les coûts. Le but poursuivi est de ne pas faire de la qualité non perçue par les clients », explique Alain Pardon, qui dirige la cellule MDD de Cora. En parallèle, l’enseigne dit suivre le tempo discount de la concurrence : les produits Cora ont baissé deux fois de manière « significative » en 2004.
Les enseignes peuvent-elles tenir ce rythme déflationniste en 2005 ? Le premier trimestre a plus été consacré aux bilans des efforts fournis… qu’à la surenchère. Personne ne semble pressé d’en « remettre une couche », pas même Leclerc. Mais tous prévoient néanmoins de devoir remettre la main à la poche « si les autres bougent ». Surtout, les enseignes attendent de voir à quelle sauce « loi Galland » elles seront mangées. S’il leur faut sacrifier deux ou trois points de marge, voire plus, sur les marques nationales, il sera difficile d’en faire autant sur les MDD !

Les premiers prix pénalisent-ils les MDD ?

La généralisation des gammes premiers prix marketées (Pouce, Exo +, « 1 », etc.) pénalise-t-elle les ventes de marques de distributeurs ? Si une part de cannibalisation semble inévitable, la résistance des MDD reste remarquable (cf. encadré sur les parts de marché). Notamment grâce à leurs baisses de prix… Même si les premiers prix eux-mêmes sont sur une pente encore plus déflationniste : - 4 % sur un an. « L’arrivée des produits Winny a un impact global limité sur les ventes de produits Cora. Sauf sur certains basiques, type beurre ou camembert », avance Alain Pardon. Même son de cloche chez Casino : « La mise en place de la gamme Eurosourire a été vertueuse. Elle augmente la fréquence d’achat et le panier moyen parce que nos clients sont rassurés sur la structure des gammes», explique Yves Marin. Une tendance qui se confirme sur le long terme. Quatre ans après la mise en place d’Eco +, Leclerc se félicite de sa franche complémentarité avec Marque Repère.

Les nouveaux discounters encore moins chers

Géant Discount, Hyper Champion Fives, Discount Casino : les nouveaux concepts discount actuellement en test, se caractérisent par un décrochage « violent » des marques de distributeurs. Souvent - 10 % et jusqu’à - 20 %. Et pour cause, difficile voire impossible de se battre sur les marques nationales. En parallèle, la marge de manœuvre sur les premiers prix se réduit comme peau de chagrin. Les MDD restent donc la seule variable d’ajustement tarifaire pour légitimer un concept plus « hard ». « Le modèle commercial fonctionne. S’agissant du modèle économique, nous ne sommes pas encore sûrs d’être capables de gagner de l’argent en sacrifiant autant de marges. Le fond du problème est là», explique un cadre impliqué dans un de ces projets. En outre, si ces nouveaux concepts discount devaient se déployer à plus grande échelle, ils poseraient un évident problème de concurrence entre les réseaux. Difficile pour un magasin conventionnel de voir son petit frère discount lui tondre la laine sur le dos à coup de MDD sacrifiée…

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