L’histoire du commerce se prend à bégayer. Au début des années 1990, les distributeurs français créaient de nouvelles enseignes, dans l’urgence : Europa discount, Leader Price, Dia, CDM, etc. Un seul but : tenter de contrer l’invasion des Aldi et autres Lidl. Quinze plus tard, on assiste à nouveau à l’éclosion tout aussi débridée de nouveaux concepts discount. Citons en vrac Les Halles d’Auchan, les espaces Self discount et l’Easy Marché d’Auchan, les magasins « L » (Leclerc) à St-Herblain (44) et Wattrelos (59) ou bien l’Hyper Champion de Lille Fives, le Discount Casino et le Géant discount de Toulouse ou encore les Eco Service discount actuellement en test dans le Nord-Pas-de-Calais.
Alors que les Français cogitent, nos plus proches voisins ont déjà passé la vitesse supérieure. Prenez le Géant discount toulousain. Le concept s’inspire largement des magasins très épurés de l’Allemand Kaufland. Une référence puisqu’il s’agit de la branche hypermarchés du groupe Schwarz, maison-mère de Lidl. Si les deux enseignes sœurs fonctionnent comme deux entités distinctes, Kaufland partage d’ailleurs certaines des caractéristiques de Lidl comme par exemple l’organisation quasi-militaire de sa chaîne logistique. A l’origine taillée sur mesure pour les porte-monnaie maigrelets des Allemands de l’Est, Kaufland a connu un essor fulgurant : 85 magasins en 1994, 264 en 2000, 390 aujourd’hui (557 en Europe). Au point de passer devant Real, l’enseigne d’hypers du groupe Metro. « En Allemagne, la part de marché de Kaufland n’est que de 7 % mais l’enseigne est leader dans ses zones de chalandise devant Lidl, Aldi et Real avec environ 22 % des ventes », souligne Jean Piquet, vice-président du cabinet Mercer Management Consulting.

6 % moins cher que Carrefour

En Belgique, Colruyt déploie une enseigne véritablement atypique. Une troisième voie entre le supermarché classique, post-embourgeoisement, et le hard-discount. Le distributeur de Halle n’a pourtant rien inventé ou presque. Il est simplement resté fidèle aux préceptes discount des premières heures de la distribution moderne : pas de décorum inutile, discount massif des grandes marques, proximité avec la clientèle, etc. Les basiques. Résultat, bien que très largement distancé par Carrefour en nombre de magasins et en puissance d’achat, Colruyt est le moins cher en Belgique, avec des prix respectivement 6 %, 13 % et 24 % plus bas que ceux de Carrefour, Intermarché et Delhaize-Le Lion (étude Test-achats basée sur un panier comportant 70 % de marques nationales et 30 % de 1er prix). En 2004, le chiffre d’affaires de Colruyt Distribution (constitué des ventes des magasins à 88 %) a progressé de 16 %, « grâce à notre politique de recherche d’efficacité et en évitant les frais inutiles », décode Jef Colruyt, son Pdg. « Le résultat de notre travail quotidien d’alignement sur la concurrence », ajoute Luc Rogge, le directeur général de Colruyt Distribution.
Kaufland, Colruyt, deux exemples de réussites basées sur des concepts discount sans concessions. Des cas d’école qui pourraient engendrer d’autres initiatives de la part des distributeurs français. « L’un de nos clients distributeurs se pose sérieusement la question de savoir s’il ne serait pas préférable d’abandonner la politique des petits pas au profit d’une véritable stratégie de rupture. Quitte à créer une entité juridique à part, comme l’a fait le groupe Schwarz avec Kaufland », glisse Jean Piquet, du cabinet Mercer. Alors, oserez-vous vraiment faire du Colruyt ou du Kaufland ?

Les chiffres clefs

Colruyt

- Parc : 182 magasins Colruyt
- Surface de vente moyenne : 1 340 m2
- Nombre de réf. alimentaires en moyenne : 7 800
- CA 2003/2004 du groupe Colruyt : 3,85 Mds € (dont 3,05 Mds € pour la seule entité Colruyt Distribution)
- Autres enseignes intégrées : Okay (20 magasins), Bio-Planet (3), Dreamland (19), Dreambaby (1)
- Activité de grossiste pour les supermarchés indépendants Spar et Alvo en Belgique
- En France : 26 magasins Colruyt, 23 Coccinelle (CA réalisé dans l’Hexagone : 122,3 M€ en 2003).

Kaufland*

- Parc : 557 hypers Kaufland, 75 supers Handelshof.
- Surface de vente moyenne : 4 500 m²
- Nombre de réf. alimentaires en moyenne : 20 000 (30 000 chez Wal-Mart Allemagne, 33 000 chez Real)
- CA 2004 : 11,3 Mds € (86 % en Allemagne)
- CA annuel/réf. en alimentaire : 291 K€ (169 K€ chez Real et 63 K€ chez Wal-Mart)
- Implantations à l’étranger : République Tchèque (62 magasins), Slovaquie (23), Pologne (65), Croatie (17). Ouvertures prévues en Roumanie et en Bulgarie fin 2005-début 2006.

* Source : Mercer Management Consulting/Commerzbank/Planetretail.net