Les chefs de rayon jugent leur métier

6 avril 2005 - Elodie Martel

Bien dans leur univers ! Une grande majorité des chefs de rayon envisage de faire carrière dans la grande distribution : 80,6 % exactement. Le secteur d’activité a beau posséder une piètre image en matière de conditions de travail, une fois la porte franchie, une majorité se prend au jeu. Mieux, lors de l’enquête menée en 2002, les accros à la grande distribution étaient un peu moins nombreux. 76,2 % des chefs de rayon interrogés envisageaient, à l’époque, de faire carrière en GMS. Il faut sans doute y voir un effet direct du durcissement du marché de l’emploi. Le chômage frappe durement les jeunes qui, du coup, « s’accrochent » à leur place dès qu’ils en ont trouvé une. « Les conditions de travail ont également bien évolué depuis cinq ans, analyse un directeur régional chez Champion, depuis la mise en place des 35 h, les rythmes ne sont plus les mêmes. On peut être chef de rayon et conserver une vie de famille ou sociale correcte, ce qui était plus compliqué auparavant. Et souvent rédhibitoire ». Néanmoins, certaines enseignes peinent plus que d’autres à stimuler les vocations.

Intermarché, créateur de vocations

Chez Auchan et Super U, 30 % des chefs de rayon envisagent de se réorienter. Le distributeur nordiste est certes connu pour recruter à Bac + 4 ou Bac + 5, des profils intéressants mais exigeants ! « J’ai intégré l’enseigne un mois, raconte cet ingénieur agro-alimentaire fraîchement sorti de l’école, l’état d’esprit m’a d’emblée gêné. Il est bien vu de passer des heures sur la surface de vente, juste pour faire acte de présence. Du coup je n’avais plus de vie sociale. Ce qui devait d’ailleurs être la cas de bon nombre de chefs de rayon. Cette situation venait d’ailleurs de coûter le divorce à mon tuteur ! ». Chez Leclerc, Champion et Match, la situation est à peine meilleure puisque respectivement 23,6 % ; 22,2 % et 21,4 % des interrogés sont candidats au départ. A contrario, d’autres enseignes se démarquent par leur capacité à insuffler le goût de la grande distribution à leurs managers. Chez Intermarché, seuls 8,8 % admettent avoir envie de changer d’air. Faut-il y voir une conséquence des moindres exigences en matière de formation initiale ? De fait, Les Mousquetaires comptent dans leurs rangs près de 75 % de personnes sans baccalauréat, pour lesquelles la grande distribution reste un ascenseur social. Chez Carrefour, où seulement 10,8 % des managers interrogés envisagent de partir, les « Bac + 2 », plus fidèles que la moyenne, sont largement plus recherchés que les « Bac+5 ».

Le management, motivation n°1 des chefs de rayon

Le métier de chef de rayon est donc globalement propice à la fidélisation au secteur d’activité. Mais qu’est-ce qui fait courir ces managers ? Est-ce le contact avec le produit alimentaire ou avec les clients ? Est-ce l’encadrement d’une équipe ? L’enquête exclusive Linéaires/IRS apporte quelques précieux éclairages. Parmi les nombreuses facettes du métier, c’est le management qu’ils préfèrent. 69,3 % de l’échantillon interrogé classe l’encadrement de l’équipe comme un des points les plus intéressants de leur mission. Le constat est particulièrement vrai chez Carrefour, Cora, Atac et Intermarché. « Même les jours où la fatigue l’emporte, je viens au magasin avec plaisir parce que je sais que je vais y retrouver mon équipe », illustre Nadine, chef de rayon marée chez Intermarché. « C’est sans doute l’aspect du métier le plus difficile à maîtriser parce que la motivation d’une équipe est tout sauf une science exacte, ajoute Jérôme, manager métier chez Carrefour. Mais quand on y arrive, cela procure un incroyable sentiment de satisfaction ». Seuls 5 % des chefs de rayon trouvent leur responsabilité managériale pesante. Chez Leclerc, cette proportion atteint tout de même 20 %. Du fait de l’indépendance des points de vente, le climat humain est fortement lié à la personnalité de l’adhérent et à ses priorités. « J’ai travaillé dans quatre Leclerc différents, dont trois très corrects et un à éviter absolument, se souvient cet ancien chef de rayon Leclerc, arrivé depuis chez Casino. Accueilli par un florilège d’insultes par mon directeur, qui lui même avait été vivement houspillé par l’adhérent, j’en arrivais la plupart du temps à devoir me comporter de la même manière avec mon équipe ».

Des passionnés du produit chez Cora

Le contact avec le produit et la proximité avec le client viennent, eux, en deuxième et troisième position. 66,7 % des chefs de rayon citent le contact avec le produit comme étant une des facettes préférées de leur métier. S’agissant du rapport avec la clientèle, le pourcentage atteint 64,4 %. Une fois encore, c’est dans les rangs de Leclerc que se trouvent les managers les moins motivés sur ces points. Inquiétant, pour 10 % des chefs de rayon en activité chez l’indépendant, ces deux aspects de leur fonction sont même pesants. A contrario, Cora compte 90,6 % de passionnés du produit tandis que chez Intermarché, 88,2 % des chefs de rayon se déclarent particulièrement motivés par le contact avec la clientèle. Quand on connaît l’importance de ces deux éléments-clés, c’est de bon augure. Rassurant également, les métiers de bouche concentrent les professionnels les plus accros au produit. Un atout qui fait défaut à l’épicerie, où le quart des chefs de rayon n’accorde pas d’intérêt au produit, voire même ne lui trouve aucun attrait.

Des envies de s’émanciper de la centrale

Les responsabilités inhérentes à la gestion d’un centre de profit font, quant à elles, le régal de 54,2 % des chefs de rayon. Chez Cora et Leclerc, cet aspect du métier est particulièrement important puisque la proportion culmine respectivement à 84,4 % et 66,3 %. Faut-il en conclure que les chefs de rayon y ont les coudées plus franches ? Assurément. Parmi les groupes intégrés, Cora est celui où le manque d’autonomie par rapport à la centrale est le moins mal vécu. Chez Leclerc en revanche, les besoins d’émancipation se font davantage sentir. Plus de 30 % des managers souffrent de l’érosion progressive de leur grande autonomie passée. Une situation partagée dans les mêmes proportions par Carrefour, Atac, Casino, Champion et les Supermarchés Match.
La pression sur le chiffre d’affaires, si souvent décriée par les détracteurs de la grande distribution, n’est finalement pas mal vécue. 33,3 % des chefs de rayons la trouvent même très stimulante. Chez Cora, Atac, Intermarché et Monoprix, ce constat concerne plus de la moitié des chefs de rayon. A l’opposé, et c’est sans doute une conséquence directe de l’ « attention » soutenue portée par le groupe Carrefour à la branche hypermarchés, près de 40 % des managers métiers de l’enseigne trouvent la pression sur le chiffre d’affaires pesante. Attention à ce qu’elle ne devienne pas démotivante.

Repères

Méthodologie
Menée début février par l’institut de sondage IRS, la septième édition de l’enquête « chef de rayon, qui êtes-vous ? » a concerné 613 managers alimentaires des 12 principales enseignes. Les résultats spécifiques au rayon des liquides seront publiés en mai dans Rayon Boissons. Il a été interrogé une même proportion de chefs de rayon boucherie que fruits & légumes, marée, charcuterie/fromage coupe, épicerie ou encore frais libre-service. La répartition de l’échantillon par enseigne tient compte de la taille des parcs de points de vente

Profil des managers interrogés
L’échantillon de chefs de rayon interrogé par l’institut IRS est à 51 % âgé de moins de 35 ans. Les plus de 50 ans sont quant à eux des « denrées rares » puisqu’ils sont moins de 8 %. 72 % de l’échantillon occupe son premier poste dans la distribution. Un peu plus de 35 % sont passés par un ou deux autres postes auparavant. 55 % encadre une équipe de moins de 6 personnes. 34 % dirigent entre 7 et 15 personnes. S’agissant de la formation, plus de la moitié a au moins le bac en poche. C’est chez Auchan que le niveau de diplôme est le plus élevé.

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