Des rayons, notamment liquides, à géométrie variable

Le tour de France des frontières

7 avril 2004 - Elodie Martel

Le rayon des liquides en ligne de mire. Du Nord au Sud, les boissons sont les premières à faire les frais de la réglementation appliquée dans le pays frontalier… ou à en profiter. Côté Angleterre, la législation relative aux alcools avantage nettement les magasins français, comme en témoigne l’exemple de Carrefour Coquelles (voir pages suivantes). En revanche, à proximité de la Belgique, les différences de prix concernent plutôt les boissons non alcoolisées. L’eau de source y est par exemple deux fois plus chère qu’en France. Les Belges doivent effectivement payer une écotaxe inconnue dans l’Hexagone. Sur le Coca-Cola, l’écart tarifaire atteint 30 %. « Notre clientèle compte 30 à 35 % de Belges, qui viennent essentiellement pour se ravitailler en boissons non alcoolisées et en vins », constate M. Bertholet, adhérent de l’Intermarché de Jeumont (59), près de Maubeuge. Le rayon liquide concentre d’ailleurs à lui seul 28 % du chiffre d’affaires du magasin, « un des plus gros quotas de la région ». Un peu plus bas, à l’Intermarché de Givet, un sommelier est même présent tous les week-ends pour répondre aux étrangers venus en fins connaisseurs. Sur les autres rayons, le pouvoir d’attraction résulte plus de la taille du magasin.
En Belgique, la loi Cadenas est encore plus contraignante que la législation en vigueur sur le sol français et les petites surfaces (800 m 2 environ) sont légion. Les frontaliers apprécient donc de se rendre en France pour le choix qui s’offre à eux. Même si le phénomène est menacé depuis l’arrivée de Carrefour à Mons, une ville wallonne distante de vingt minutes environ. Plus au sud, la proximité du Luxembourg tourne elle aussi à l’avantage de la France, sauf sur le carburant, le tabac et les alcools. Les magasins de ce petit pays excèdent rarement 600 à 800 m2 : des surfaces peu engageantes pour une clientèle au pouvoir d’achat confortable. Les salaires s’avèrent effectivement plus généreux au Luxembourg et en Allemagne. « Une médaille qui a son revers, souligne-t-on au Leclerc de Creutzwald, la main d’œuvre préfère aller travailler en Allemagne ». Autre point sur lequel les Français ne peuvent rivaliser : la compétitivité des rayons DPH allemands. Le jumbo de couches Pampers y est par exemple vendu 30 % moins cher.

Trois chariots par couple allemand

En revanche, depuis l’été dernier, l’apparition d’une nouvelle taxe germanique (une consigne) sur les emballages favorise nettement la France. « Il n’est pas rare, en fin de semaine, de voir des couples d’Allemands remplir deux chariots d’eau et de boissons non alcoolisées avant de venir remplir un troisième chariot avec d’autres denrées alimentaires », jubile M. Fornara, responsable du Champion de Rettel (57). Parmi les produits les plus appréciés de nos voisins figurent les cuisses de grenouilles, les fromages et les pains spéciaux : des denrées typiquement françaises. Là encore, le modèle de distribution à la française motive des traversées de frontière à répétition. Un peu plus loin, à proximité de la Suisse, la compétitivité hexagonale relève plus des prix, sans commune mesure avec ce qui se pratique côté helvétique. Le prix de la viande y est par exemple affiché aux 100 g, certaines pièces se vendant six à sept fois plus cher qu’en France ! « Sur tous les rayons à service, la Suisse ne peut pas rivaliser », explique Thierry Boltz au Super U de Sierentz (68). Cerise sur le gâteau, les frontaliers possèdent un pouvoir d’achat bien supérieur à la moyenne française, qui leur permet de se focaliser sur les poissons nobles et les dosettes de café Senseo, par exemple.

L’essence à moitié prix en Andorre

Une situation à faire pâlir d’envie les magasins proches de la frontière espagnole et a fortiori les plus proches d’Andorre. « Comment voulez-vous empêcher les gens d’aller acheter l’essence à moitié prix et la cartouche de cigarettes à – 70 % ? », s’interroge Alain Blanchard, adhérent du Leclerc de Foix (09), pourtant situé à 70 km du petit paradis tarifaire. Et la concurrence est tout aussi rude s’agissant des alcools, le litre de Ricard étant lui aussi affiché à moitié prix au premier poste de frontière du Pas de la Case. Même constat pour le sucre et le beurre, sur lequel la législation andorrane autorise l’affichage d’une DLC à huit mois. Idéal pour faire ses stocks ! Sur le reste de la frontière pyrénéenne, la tendance n’est guère au retournement de situation. Depuis 1990, le paysage commercial a considérablement évolué côté espagnol. Les immenses centres commerciaux sont devenus monnaie courante et les Français se ruent dans la péninsule pour trouver des enseignes et des prix attractifs (litre de carburant 0,25 € moins cher, Ricard presque à 11,73 € contre 15 €). Moyennant quelques bouchons en fin de semaine ! Seuls quelques rares Espagnols plutôt favorisés effectuent le chemin inverse. Au Carrefour d’Anglet (64), moins de 2 % de la clientèle serait d’origine espagnole. « Venir faire leurs courses en France relève presque de la sortie mondaine », s’amuse un chef de secteur. En clair, ces rares étrangers consomment en priorité des produits typiquement français, si possible un peu onéreux : bouteilles de champagne Dom Pérignon ou Moët & Chandon, bordeaux haut de gamme, caviar , foie gras, etc… Toujours bon à vendre !

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