L'Autorité de la concurrence condamne la domination de Casino sur Paris
Dans un avis publié aujourd'hui, l'Autorité de la concurrence confirme la domination excessive du groupe Casino sur le marché parisien (entre 54 % et 66 % de part de marché valeur). Et plaide pour la création d'une nouvelle procédure, l'injonction de cession de magasins, pour mettre fin à de telles dominations. Même si aucun abus n'est directement constaté.
Dans un avis publié aujourd'hui, l'Autorité de la concurrence confirme la domination excessive du groupe Casino sur le marché parisien. Et voudrait pouvoir contraindre le distributeur à céder des magasins. Cette ambition fait peser une lourde menace, pour Casino, sur ce qui constitue tout de même un pilier essentiel de sa rentabilité en France…
En février 2011, la mairie de Paris avait saisi l'Autorité sur la base d'un rapport de l'Apur (atelier parisien d'urbanisme), qui pointait la trop grande concentration de la distribution alimentaire dans la capitale. Après avoir entendu les parties concernées et mené sa propre enquête, l'Autorité de la concurrence confirme aujourd'hui les premières conclusions de l'Apur.
En considérant Casino et Monoprix comme un seul ensemble, elle a calculé que le groupe détenait, au 1er janvier 2011, 61,7 % des surfaces alimentaires de la capitale, pour une part de marché (valeur) comprise entre 54 et 66 %.
Le premier concurrent, Carrefour, ne représentait que 12,5 % des surfaces et 10 à 20 % du marché.
Le parc de Casino dans Paris intra-muros est en effet impressionnant. L'Autorité de la concurrence en dresse le relevé détaillé (au 01/01/11) : 316 Franprix, 15 Petit Casino, 14 Leader Price, 12 Marché d'à côté, 11 Supermarchés Casino, 3 Spar, 3 Vival, 2 Leader Express, 2 Casitalia.
Soit 378 points de vente au total, auxquels il convient d'ajouter 53 Monoprix, 31 Monop', 5 Dailymonop et 33 Naturalia.
Casino conteste
Dans un communiqué de presse commentant l'avis, Casino conteste les calculs de l'Autorité de la concurrence. Le distributeur avance les résultats de trois études différentes, qui situent la part de marché cumulée du groupe Casino et de Monoprix entre 33 % (étude Mapp) et 38,5 % (Kantar) sur Paris.
Casino reproche à l'Autorité de la concurrence de ne retenir comme périmètre que le chiffre d'affaires alimentaire des hypers, supers et supérettes de Paris. Et donc d'exclure à la fois les autres commerces alimentaires et les hypermarchés de la proche périphérie, qui comptent aussi des Parisiens comme clients.
Dans ce périmètre élargi, la part de marché du distributeur est évidemment moins importante.
L'Autorité se justifie
L'avis de l'Autorité de la concurrence (argumenté sur 56 pages !) évoque ce raisonnement déjà avancé par Casino et justifie son choix de ne pas le retenir.
L'Autorité estime d'abord que "les magasins des commerces de bouche spécialisés et la vente de produits alimentaires en ligne n’exercent pas une pression concurrentielle significative sur les magasins à dominante alimentaire".
L'avis cite même explicitement une étude économique produite par Casino dans le cadre de l'instruction, qui précise que les rayons concurrencés par les commerces de bouche (à savoir la zone marché) pèsent moins de 15 % du CA de ses magasins.
"Autrement dit, sur plus de 85% de leur chiffre d’affaires, les magasins du groupe Casino ne sont pas soumis à la pression concurrentielle des marchés, ni à celle des commerces de bouche tels que les boulangeries, boucheries-charcuteries, poissonneries, fromageries-crèmeries et primeurs", résume l'avis.
Quant aux hypermarchés de la proche banlieue, l'Autorité ne les ignore pas, mais juge que Casino surestime leur attractivité auprès des Parisiens. Elle détaille donc sa propre méthode de calcul, et conclut que "la part de marché du groupe Casino sur l’ensemble de Paris, lorsqu’est prise en compte la concurrence des hypermarchés de proche banlieue, ne diminue que de quatre points de pourcentage : elle n’est donc pas substantiellement différente de celle constatée lorsque la concurrence des hypermarchés de périphérie n’est pas prise en compte".
Aucun abus particulier
Cela dit, au-delà de la dénonciation (très médiatisée) de la position dominante de Casino sur Paris, l'Autorité de la concurrence ne déplore aucun abus particulier de la part du distributeur. Tout juste relève-t-elle le relatif niveau de cherté des marques nationales dans le réseau Franprix.
L'Autorité reconnaît même que Casino doit sa position dominante à "ses mérites propres" et à la désaffection, par le passé, des autres distributeurs pour le marché parisien intra-muros.
Pourtant, l'organisme public ne se satisfait pas d'un tel niveau de domination. Et comme, en l'état actuel du droit, l'Autorité ne peut sanctionner que des abus constatés, elle demande au législateur de créer une nouvelle procédure d'injonction de cession de magasins.
Alors que la loi Lefebvre, sur la protection du consommateur, est en pleine navette parlementaire, cette position pourrait bien nourrir une nouvelle proposition d'amendement...
L'Autorité appelle également de ses vœux plus de souplesse dans les conditions de créations de magasins dans Paris, y compris sur de grandes surfaces commerciales.
Le texte intégral de l'avis de l'Autorité de la concurrence est disponible ici :