Intermarché et Monoprix bousculent C’est qui le patron
C’est qui le patron, la marque aux 35 millions de litres annuels dont le cahier des charges a été fixé par les internautes, se voit aujourd’hui bousculée par l’apparition de laits "équitables" moins chers et pour certains mieux-disants.
"Les éleveurs vous disent merci" : c’est le nom de la nouvelle brique de lait "citoyenne" d’Intermarché. Le distributeur frappe fort en rémunérant les éleveurs à 0,44€ le litre, soit le prix le plus élevé du marché pour un lait "équitable" (0,41€ avec primes pour C’est qui le patron). La brique est vendue 0,88€ et revendique clairement les parts revenant à l’agriculteur (0,44€, soit 50%), à la laiterie Saint-Père (22,52%) et à la distribution (21,98%), plus 5,5% de TVA.
Des consommateurs blousés ?
Monoprix a fait un autre choix pour lancer son lait équitable. La gamme de lait UHT à marque propre de l’enseigne est désormais produite selon le cahier des charges de C’est qui le patron, dont le logo s’affiche sur les briques.
À la clé, 10 millions de litres annuels, le volume de la marque propre de l’enseigne. Deux autres acteurs seraient actuellement en discussion en vue de basculer ou segmenter leur marque propre. "Le développement des marques distributeurs est l'acte 2 de notre démarche", se félicite Nicolas Chabanne, le fondateur de la marque.
Mais ne se tire-t-il pas une balle dans le pied ? Monoprix a fixé le prix de vente à 0,88 € la brique, soit 11 centimes de moins que le lait du consommateur. Pour ce dernier, il y a de quoi se sentir blousé après avoir accepté, pour la bonne cause, un prix de vente à 0,99€.
Monoprix fait le job
Le lait est le premier produit "responsable" de C’est qui le patron, qui compte désormais du beurre, des pizzas ou des steaks hachés. Son cahier des charges est le fruit d’un questionnaire en ligne et 0,99€ correspond au consentement à payer des internautes, assurés qu’à ce tarif les éleveurs seront rémunérés au juste prix.
Problème : le prix de vente fixé par Monoprix (0,88€, donc) fait tout autant le job. Sans parler d’Intermarché qui rémunère mieux l’éleveur, tout en vendant moins cher. D’autres laits "équitables" mettent aussi la barre très bas, comme la brique Laitik à 0,69€ avec une rémunération des éleveurs à 0,35€ le litre (voir Linéaires de février).
"Les distributeurs restent libres de fixer leurs prix. Le consommateur n'est pas trahi. Ce que nous garantissons, c’est le prix payé au producteur, entre 0,39€ et 0,41€ avec primes. Monoprix ne déroge pas à la règle et le fait savoir au dos de la brique", défend Nicolas Chabanne.
À qui profite ce prix généreux fixé par la marque du consommateur, au-delà des éleveurs ? C’est qui le patron empoche 5% de commission sur les ventes, réduite à 2% pour aider Monoprix à tendre vers les 0,88€. Pour le reste, la valeur ajoutée se négocie librement entre les distributeurs et le transformateur. Cette relative opacité est d’autant plus embarrassante que la nouvelle référence d’Intermarché, elle, joue la transparence à tous les niveaux.
Un sujet délicat que Nicolas Chabanne prépare depuis plus de six mois. "Les consommateurs se retrouvent avec deux prix, c’est vrai, reconnaît-il. Soit on consulte à nouveau les consommateurs en vue de baisser le prix, soit nous allons discuter avec nos partenaires. Sur la masse de volumes à 0,99€, ils réalisent forcément des économies d'échelle qui pourraient servir à revaloriser le prix payé aux éleveurs, pour aider par exemple l'installation de jeunes agriculteurs ou la production de lait bio."