Retour sur un étonnant ping-pong juridique

Equarri-taxe : Tout à démarré chez Gérard et Monique

24 décembre 2004 - B. Gobin

Le 1er octobre 1998, quand ils sont allés voir leur notaire, Maître Mugneret, à Dijon, Gérard et Monique Olive étaient sans doute loin d’imaginer le formidable imbroglio juridico-fiscal que leur démarche allait provoquer six années plus tard. A l’époque, le couple était propriétaire d’un Super U à Venarey-les-Laumes (Côte d’Or). Leur société, Gémo, qui tire son nom de la première syllabe de leurs deux prénoms, a été l’une des premières à réclamer à l’administration fiscale la restitution des sommes payées au titre de la taxe d’équarrissage. Cette première demande rapidement rejetée, ils ont alors saisi le tribunal administratif de Dijon, lequel leur donne raison le 25 mai 2000. Le ministère dépose pourtant un recours et saisi la cour administrative d’appel de Lyon. Entre temps, le couple a cédé son magasin, à Système U Est, qui l’a revendu peu après à Jean-Paul Gless, dont la société Venardis hérite au passage du contentieux en cours.
A Lyon, le 13 mars 2001, le dossier Gémo Venardis n’est pas le seul sur lequel la cour d’appel doit se prononcer. Il est néanmoins l’un des moins volumineux et c’est sans doute ce qui lui vaut de se retrouver sur le haut de la pile. Les magistrats peinent à invalider la décision du tribunal de Dijon. Le verdict, il faut le souligner, avait été rédigé par un président de chambre fiscal, précédemment en poste à Bruxelles et, à ce titre, parfaitement averti de la non-conformité de la taxe au regard du droit communautaire. La cour d’appel surseoit finalement à statuer et décide de se tourner vers la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). L’instance luxembourgeoise rend son avis le 20 novembre 2003 : le dispositif fiscal mis en place par la France au moment de la crise de la vache folle pour financer l’élimination des farines animales constituait bien une aide d’Etat. Les distributeurs vont pouvoir se faire rembourser. Le gouvernement français, qui était jusque-là, resté sourd aux multiples injonctions de la commission se résout enfin à abroger la taxe, le 31 décembre 2003.

Les inspecteurs rentrent bredouilles

Prenant acte de la décision de la CJCE, la cour d’appel de Lyon peut enfin statuer, le 15 janvier 2004, et rejeter le recours du ministre. Entre temps, Bercy a tenté le tout pour le tout et voulu prouver - ce en quoi il était parfaitement dans son rôle - que si les sommes étaient remboursées aux enseignes, ces dernières bénéficieraient d’un enrichissement sans cause. Des inspecteurs sont envoyés entre Noël et le premier de l’an au Super U de Venarey-les-Laumes pour éplucher l’historique des sorties caisses du rayon boucherie. En pleine période de fêtes, les responsables du magasin ont évidemment autre chose à faire que de ressortir les archives ! Les inspecteurs rentrent bredouilles. Ils ne sont évidemment pas parvenus à démontrer si la taxe avait été répercutée aux clients ni même à mettre en évidence une quelconque relation de cause à effet avec l’évolution des ventes.
En juillet 2004, le ministre porte l’affaire devant le conseil d’Etat pour ce qui semble alors un ultime baroud d’honneur. Sans surprise, son pourvoi en cassation est rejeté. Bercy n’a d’autre choix que d’engager les procédures de dégrèvement (voir Linéaires de novembre, page 36). Le ministère confirme le 15 octobre avoir intégré 1,4 milliard d’euros de remboursements au budget 2004, ce qui laisse à supposer que 800 millions restent à affecter sur 2005. Coup de théâtre trois semaines plus tard et alors que près d’un milliard d’euros auraient déjà été remboursés : l’administration annonce qu’elle n’a finalement pas à restituer les sommes correspondant aux années 2001 à 2003. Une manœuvre qui permet de réintroduire le contentieux devant les tribunaux et donc de gagner encore quelques mois.
Ironie du sort : le 19 novembre dernier, Gérard et Monique Olive, aujourd’hui reconvertis dans la vente de confiseries artisanales sur internet, n’avaient toujours par reçu le moindre centime sur les 15 000 euros attendus au titre des années 1997 et 1998.

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