Du nouveau dans les négos, vraiment ?

14 février 2019 - B. Merlaud

Du nouveau dans les négos, vraiment ?

Pressé de faire valoir les effets de la loi EGA, Bercy souligne le climat "apaisé" des négos pour les filières agricoles. Mais les distributeurs dénoncent toujours les hausses "inacceptables" des industriels, tandis que les fournisseurs s'étranglent de voir résumer les négociations aux quelques accords passés sur le lait. Bref, le jeu annuel des postures, en février, ne change guère.

Bruno Le Maire et Didier Guillaume, les ministres de l'Économie et de l'Agriculture, ont réuni le 13 février les représentants des producteurs, des transformateurs et des distributeurs dans le cadre du comité de suivi des relations commerciales.

À deux semaines de la fin des négociations annuelles, l'exercice consiste à partager les premiers constats des enquêtes en cours de la DGCCRF et à inviter chacun à dresser son propre bilan d'étape des échanges menés dans les box.

Aux promesses répétées de "vigilance" des services de l’État quant aux dérapages éventuels des distributeurs, le Gouvernement ajoute cette année un mot gentil inhabituel.

"Les négociations commerciales se déroulent dans un état d'esprit constructif et dans un climat apaisé", observent les deux ministres dans un communiqué, en s'appuyant sur les avis "d'une partie significative des fournisseurs et producteurs, notamment de PME et de représentants des filières lait et des fruits et légumes".

Un "chèque en blanc"

Il faut reconnaître que les multiples accords signés ces dernières semaines, sur la revalorisation des prix du lait notamment, sont autant d'avancées qui vont dans le bon sens. Et la nouvelle loi n'y est pas étrangère.

Les distributeurs, eux, sont dans leurs petits souliers. Car ils ont bien reçu le "chèque en blanc" qu'Emmanuel Macron se refusait pourtant à signer à la fin des états généraux de l'alimentation. La loi augmente les marges des enseignes (hausse du seuil de revente à perte, plafonnement des promos) en espérant qu'elles rendront ensuite l'argent aux agriculteurs, par un moyen ou par un autre.

Autant dire que les distributeurs ont à cœur de prouver qu'ils méritent la confiance qui leur est accordée… La Fédération du commerce et de la distribution, ainsi, a beau jeu d'insister sur les accords déjà signés et sur l'absence de déflation pour les produits à forte composante agricole. Mais la FCD pointe aussi le manque de transparence des industriels de la viande sur la rémunération des producteurs (contrairement aux bons élèves de la filière laitière).

La FNSEA confirme le problème sur la viande, mettant dans le même sac distributeurs et industriels. "Plusieurs accords sont certes positifs dans le secteur laitier, mais nous sommes loin du compte dans les autres secteurs, particulièrement celui de la viande bovine, où les acteurs de l’aval sont rompus à ne pas appliquer les EGA", condamne le syndicat agricole, qui ne voit comme toujours dans les discours des enseignes que "mauvaise foi" et "belles déclarations".

Les habitudes ayant décidément la peau dure, la FCD non plus ne peut pas s'empêcher de dénoncer, de façon plus globale, "les hausses demandées par les industriels, qui ont atteint une moyenne de 4%, soit un niveau inacceptable pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens".

Les représentants des fournisseurs, évidemment, ne sont pas en reste. L'Association nationale des industries alimentaires estime que "rien n'a changé". "La réalité des box s'avère aussi terrible que les années précédentes, martèle l'Ania, avec déjà le signalement de premiers contournements de la loi."

Des promos "extravagantes" en non-al

L'association a interrogé 450 de ses membres sur le déroulement des négos 2019. Verdict : 96% des entreprises ne voient pas d'amélioration de leurs relations avec la grande distribution, 77% ont été accueillies par des demandes systématiques de baisses de prix et 71% de celles qui subissent des hausses de matières premières agricoles ne voient pas leurs revendications prises en compte.

Pour l'Ilec, qui représente des fabricants de grandes marques (alimentaires et non alimentaires), les accords passés dans le secteur laitier ne sont que "des succès isolés". Les demandes déflationnistes en négos restent la norme pour les adhérents de l'association, les rabais promotionnels devenant même "extravagants" en non alimentaire, seul secteur désormais où les enseignes peuvent mener une guerre des prix débridée.

Pas naïf malgré l'enthousiasme affiché, le Gouvernement confirme que "le comportement des centrales d'achats demeure un sujet de préoccupation". Il pointe notamment des "pratiques contestables" comme certaines pénalités logistiques et les déréférencements fréquents visant surtout à faire pression sur les fournisseurs.

La prochaine réunion du comité de suivi des relations commerciales est prévue pour début avril. D'ici là, la DGCCRF va poursuivre ses contrôles.

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