Convergence d'enseigne : Auchan tape dans le dur

13 novembre 2018 - B. Merlaud

Convergence d'enseigne : Auchan tape dans le dur

Changer les enseignes des supermarchés, c'était le plus facile. Auchan est maintenant en train de revoir toute son organisation interne pour se conformer à sa stratégie de convergence. Avec davantage de synergies, et une nouvelle politique de rémunération. L'analyse de Linéaires.

Certes, le distributeur a cravaché dur pour transformer tous ses Simply Market en Auchan Supermarché sur à peine plus d'un an. Un chantier qui fera date dans l'histoire du groupe en France. Mais il s'agit maintenant de faire vivre de façon concrète cette marque unique, canal digital inclus.

La construction d'une politique de promotions gigognes entre les hypers Auchan, Auchan Supermarché et My Auchan était une première étape. De même que la généralisation du retrait de colis à l'ensemble du parc. Le 13 novembre, le distributeur a franchi un palier supplémentaire en annonçant en interne un nouveau projet d'organisation pour la France, centré sur des bassins de consommation locaux et non plus sur les formats.

Suppression de l'échelon régional

Les cinq directions régionales des hypermarchés disparaissent, ainsi que les trois directions réseaux des supermarchés (au passage, 50 postes d'encadrement sont supprimés). À la place, Auchan crée 8 territoires et, surtout, 113 "zones de vie" englobant l'ensemble des formats du groupe.

Les territoires ne sont pas pensés comme des niveaux de création de valeur, ils ne seront même pas suivis par un compte d'exploitation. Ils rassembleront des fonctions d'appui (30 à 35 personnes par territoire), avec un rôle essentiellement d'animation. Un neuvième "territoire" sera spécifiquement consacré aux partenariats et aux relations avec les franchisés.

La direction nationale d'Auchan Retail, désormais, va directement déléguer des responsabilités à l'échelle des "zones de vie", presque aussi nombreuses que le nombre d'hypermarchés intégrés.

Les zones de vie n'auront pas de patron formel, elles devront fonctionner comme des espaces collaboratifs à l'intérieur desquels l'hyper, les supers et les magasins de proximité (le cas échéant) se mettront d'accord sur un projet commercial local. Même si Auchan récuse toute "hypérisation" de son organisation, les hypers vont de fait se retrouver en position de vaisseau amiral de presque chacune des zones.

Transferts de produits entre magasins

C'est à l'échelle de ces zones de vie que la marque Auchan se fixera des objectifs, en s'appuyant sur l'ensemble des formats pour les atteindre.

C'est à cette échelle que seront organisés de nouveaux flux logistiques de proximité, regroupant la livraison à domicile, l'approvisionnement des points de retrait, des casiers et des drives piéton, tout comme les éventuels transferts de produits entre magasins.

C'est à cette échelle, encore, que les datas clients seront analysées et partagées, que les opérations d'implication dans la vie locale seront envisagées, que des offres complémentaires de petits producteurs seront définies.

La mutualisation des moyens, jusqu'à présent timidement testée, va prendre de l'ampleur. Les labos produits frais des hypermarchés, par exemple, devront approvisionner si c'est pertinent les autres magasins de leur zone. Dans l'Est parisien, l'hyper de Bagnolet fournit déjà en pâtisseries les supers de Reuilly et Daumesnil.

Les commandes passées sur Auchan frais, préparées dans les rayons trad des hypers, devraient également pouvoir être récupérées dans un supermarché ou un magasin de proximité. Voire dans un drive.

À l'exception des produits encombrants, tout achat réalisé sur un site e-commerce d'Auchan devrait dans l'idéal pouvoir être retiré dans n'importe quel "point de contact" de la marque (les nouveaux formats, drive piéton et casiers automatiques, faisant partie de ces points de contact). La mise en ligne d'un nouveau portail auchan.fr, présentant tous les parcours de courses, est attendue pour juin 2019.

Dans la mesure de ses moyens, chaque magasin fera la promotion des autres formes de vente de la marque Auchan. Durant certains temps forts de l'année, les espaces saisonniers des supers, voire les comptoirs d'accueil des drives, se transformeront en showrooms exposant, par exemple, des jouets à Noël ou du mobilier de jardin au printemps. En proposant si besoin de régler sur place la commande, à une caisse classique, pour les clients qui n'aiment pas utiliser leur carte bancaire sur internet.

Un chantier de taille : la rémunération des salariés

Un tel idéal de convergence, toutefois, se heurte encore à un obstacle de taille : l'implication des salariés. Le pâtissier d'un hypermarché, normalement, n'apprécie pas de voir ses clients recommencer à fréquenter un supermarché de quartier. Le collaborateur chargé de l'accueil dans un super n'aime pas perdre son temps à remettre des colis quand de "vrais" clients attendent avec leur chariot pour vérifier un prix. Une hôtesse de caisse, en proxi, n'a que faire des mamies qui voudraient commander des jouets pour leurs petits-enfants en Province.

Auchan, pourtant, va bien devoir les intéresser à ces ventes. Au sens propre comme au figuré. Le distributeur va donc démarrer de nouvelles négociations avec les partenaires sociaux afin de redéfinir la politique de rémunération de ses collaborateurs.

À l'échelle des magasins, d'abord, les objectifs ne seront plus fixés en chiffre d'affaires mais en volume d'affaires. Dans lequel seront comptés les commandes passées, les colis retirés et à l'inverse ne devraient pas être déduits les bons d'achat du programme de fidélité, puisqu'ils peuvent être générés dans d'autres "points de contact".

Une nouvelle ligne d'objectifs, ensuite, sera fixée pour l'ensemble de la zone de vie. Si la marque Auchan progresse, tous les collaborateurs en profiteront, quel que soit le format pour lequel ils travaillent.

Complexité supplémentaire, Auchan devra aussi trouver comment mettre en musique ces nouvelles synergies... pour les franchisés. De quoi bien occuper, cette fois, l'équipe du "neuvième territoire" !

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