Un parc hétérogène
Ces petits méconnus du frais
Une race de commerçants à part. Les propriétaires de magasins spécialisés dans les produits frais sont la plupart du temps des distributeurs indépendants (hormis les membres du réseau Grand Frais – voir pages précédentes). Exploitant des points de vente de la taille d’un supermarché (jusqu’à 2 000 m² !), ils ont plus d’ambition (et de moyens) que des « petits » franchisés d’une enseigne de proximité. Quelques anciens chefs de rayon, d’ailleurs, se sont installés à leur compte de cette manière.
Une fois à la tête de leur société, ces entrepreneurs s’empressent de mettre en pratique leur propre vision du commerce. Les fruits et légumes sont toujours au cœur du concept (fréquentation oblige), mais pour le reste, les stratégies divergent. De nombreux points de vente, d’abord, se sont implantés en banlieue parisienne avec le discount comme credo.
Jusqu’à 24 M€ de CA
A l’image des frères Quattrucci. Leur société (Alphaprim) compte cinq magasins autour de la capitale, d’une surface de 1 600 à 2 000 m². Les enseignes ne sont pas toujours les mêmes (Hyper Primeurs, O’Marché du Frais, La Ferme d’Argenteuil, etc.) et les chiffres d’affaires, selon nos sources, sont conséquents. Ils vont de 15 M€ pour l’Hyper Primeurs de Chelles (Seine-et-Marne) à 24 M€ pour celui de Villemomble (Seine-Saint-Denis).
Le modèle de distribution de la famille Quattrucci est très abouti. Ces magasins, dédiés aux produits frais, ont petit à petit été complétés par des points de vente attenants, d’environ 1 000 m², regroupant une offre d’épicerie, liquides, surgelés et non-alimentaire. Une nouvelle étape de développement est même en cours avec la création d’un troisième pôle consacré à l’équipement de la maison et de la personne ! Le groupe possède ses propres entrepôts (frais et sec-DPH) et s’est affilié l’an dernier à Francap pour quelques familles de produits.
Onze échoppes d’artisans
D’autres initiatives, plus isolées, n’en manquent pas moins d’intérêt. Linéaires s’était ainsi fait l’écho, il y a deux ans, de l’ouverture près de Strasbourg d’un « Comptoir des producteurs, artisans et commerçants indépendants ». Sur 800 m², ce magasin accueillait onze échoppes (primeurs, crémier, boucher, vignerons, boulanger, etc.) avec un encaissement en commun en fin de parcours. Ambitieux, le concept misait sur la qualité supérieure des produits (tous artisanaux, avec des prix dignes d’un Lafayette Gourmet), proposait un service de restauration sur place et un drive-in à l’arrière pour charger sa voiture. Las, après un premier exercice à un peu plus de 3 M€ de chiffre d’affaires, la structure a fermé ses portes durant l’été 2003.
Autre lieu, autres mœurs. En plein centre de Paris, dans le 15e arrondissement, un ancien cadre de Bonduelle a ouvert l’an dernier son « Comptoir des Saisons ». Sur 300 m², le magasin ne ressemble pas aux autres « multispécialistes », même s’il tourne aussi autour des fruits et légumes. Son approche commerciale consiste à regrouper l’offre non plus par technologie (frais, surgelés, conserves) mais par famille de produits. Les habitants du quartier désireux, par exemple, de satisfaire une envie de tomate ont sous les yeux aussi bien des légumes frais que des tomates pelées en conserve ou encore des sauces toutes prêtes.
Produits frais et restauration
Sans être un discounter, le magasin cultive un positionnement cœur de marché/haut de gamme (en conserve, il vend aussi bien du Bonduelle que du Gillet-Contres). Il bénéficie du soutien de quelques industriels qui le livrent en direct. Il propose aussi un espace de restauration sur place ou à emporter (salades, soupes, tartes) et une gamme de produits complémentaires (vins, cafés, thés, ustensiles de cuisine, livres). Le chiffre d’affaires (dont l’objectif était fixé à l’ouverture à 3 M€) repose à 60 % sur le frais et 10 % sur la restauration. Avec 10 € de panier moyen, un tel point de vente empiète davantage sur le marché de la proximité que sur celui des plus grandes surfaces.
La Ferme d’Herblay, en revanche, vise plus haut. Elle a ouvert cet été sur 700 m², dans la zone commerciale de la Patte d’Herblay (Val d’Oise). 19 employés font tourner la boutique, qui reçoit jusqu’à 1 000 clients par jour en fin de semaine (zone commerciale oblige, le magasin est ouvert sept jours sur sept). L’objectif de chiffre d’affaires avoisine les 5 M€.
200 références de fruits et légumes
Là encore, les fruits et légumes assurent l’attractivité de ce nouveau spécialiste du frais : avec 200 références, ils occupent la moitié de la surface, dont plus de 100 m² dans un sas réfrigéré à 10-12° C. Un fromager affineur approvisionne en spécialités un rayon de frais-emballé, à l’image de ce Gouda aux orties à 12,50 €/kg. De même, moult charcuteries sont présentées en chiffonnades (en LS), la boucherie (elle aussi LS) vante sa viande de Salers, la crémerie propose des marques artisanales introuvables ailleurs, sans parler de l’épicerie fine ou des quelques grands crus de bordeaux achetés directement à la propriété.
Toute l’offre, pour autant, n’est pas aussi huppée. Quelques marques nationales sont présentes en rayon, sur lesquelles le magasin sacrifie sa marge pour rester compétitif. Témoins ce pack de yaourts Bio par quatre affiché raisonnablement à 1,31 € ou la Danette par quatre passée dès septembre au nouveau prix « en baisse » de 1,39 €. Le fournisseur de ces marques ? David Banet, l’un des deux propriétaires de la Ferme d’Herblay, se refuse à citer la centrale qui l’approvisionne. En fouinant dans les rayons, nous sommes tombés sur un article Leader Price. « Une erreur », s’est empressé de préciser le dirigeant… Reste que son associé, Philippe Benhamou, est un « master franchisé » Franprix-Leader Price qui exploite déjà une dizaine de points de vente sous ces enseignes.
Quatre concepts très différents
1. Alphaprim
Les cinq magasins de la famille Quattrucci jouent la carte du discount des produits frais. Le réseau est complété par des enseignes vendant de l’épicerie, du non-alimentaire et bientôt un pôle équipement de la maison. Un petit réseau, mais très complet.
2. Le comptoir des producteurs
Une tentative menée pendant un peu plus d’un an près de Strasbourg. Onze échoppes de commerçants indépendants et d’artisans s’étaient partagé en 2002 une surface de vente de 800 m², avec un seul encaissement en fin de parcours. Le magasin a fermé l’an dernier.
3. Le comptoir des saisons
Une petite surface atypique, qui décline les technologies pour chaque famille de produits. Tous les haricots (frais, conserve, surgelés) sont implantés ensemble, les salades fraîches et 4e gamme sont regroupées, etc. Un espace restauration permet de consommer les produits du magasin en tartes, salades, soupes, etc.
4. La Ferme d’Herblay
En pleine zone commerciale, ce magasin de produits frais offre sur 700 m² des denrées de base et des spécialités. La moitié de la surface est consacrée aux fruits et légumes. Crémerie, boucherie, charcuterie et épicerie proposent des références de qualité souvent introuvables en grande surface.