Agriculture : jusqu'où ira le bras de fer entre distributeurs et industriels ?
Les fournisseurs se plaignent de négociations "délétères" en 2016 et dénoncent des demandes de baisses de prix touchant les filières agricoles.
Les distributeurs, eux, doutent publiquement que les industriels répercutent auprès des éleveurs toutes les hausses accordées.
"Une provocation"
C'est peu de dire que la crise agricole fait peser une lourde ambiance sur les relations industrie-commerce, et sur la dernière ligne droite des négos en particulier.
"Les négociations commerciales 2016 se déroulent dans un contexte délétère et d’une extrême tension, avec des demandes de baisse des prix par rapport à l'année passée mais également des demandes de compensation de marges et des menaces de déréférencement, rapporte ainsi Dominique Chargé, le président de la fédération nationale des coopératives laitières. En regard des difficultés actuelles du monde de l’élevage, ces demandes apparaissent comme une provocation."
"Les centrales continuent de réclamer des baisses qui ne prennent nullement en considération l’évolution réelle des prix des matières premières et des coûts d’exploitation, abonde la fédération des industriels charcutiers traiteurs. Ceci sans compter le développement inflationniste des nouveaux instruments promotionnels hors convention annuelle signée avec les centrales d’achat."
"Refus de valoriser l'origine France"
"Tant que la guerre des prix entre enseignes se poursuivra, il sera illusoire de vouloir desserrer l'étranglement de l'industrie et de l'élevage", poursuit l'association, évoquant également "le refus des enseignes de toute valorisation complémentaire pour des viandes d'origine française en marques nationales ou MDD".
Les tensions rapportées ont même poussé le gouvernement à se mêler des négociations, au point d'exiger qu'elles ne conduisent en 2016 à aucune baisse de prix "pour les filières en difficulté, en particulier pour les produits laitiers" (menace de "durcissement du cadre législatif" à l'appui).
Pendant ce temps, les distributeurs, dont les magasins et entrepôts sont régulièrement envahis par les agriculteurs, tentent de jouer l'apaisement. Auchan a fait valoir des accords tripartites passés dans les filières laitière et porcine, associant donc les éleveurs. Intermarché a rappelé son statut de "producteur commerçant" pour souligner ses engagements à tous les niveaux. Une récente contractualisation de Casino dans la filière bovine a été saluée par le ministère de l'Agriculture.
Les enseignes de la fédération du commerce et de la distribution se sont également astreintes au financement d'un fonds de solidarité (aux côtés des industriels et de la restauration) destiné aux éleveurs de porcs. Leclerc a même fini par promettre qu'il ne baisserait pas cette année ses prix d'achat sur les produits laitiers d'origine France.
Réalité des répercutions
Les distributeurs, pour autant, n'ont pas apprécié d'être la cible principale des agriculteurs. Ils n'ont eu de cesse de mettre en doute le rôle joué dans cette crise par les industriels. Depuis l'été 2015 et leurs engagements à surpayer le coût du lait, Système U et Leclerc s'interrogent publiquement, ainsi, sur la réalité des répercutions dont bénéficient les éleveurs. Les U militent depuis pour que les accords passés soient tripartites, tandis que Leclerc préfère frapper directement à la porte de l'interprofession laitière afin d'obtenir plus de transparence.
La fédération des coopératives laitières a déjà répondu qu'elle mettait "tout en œuvre pour rétrocéder intégralement les hausses de tarifs concédées par les distributeurs", en rappelant que les accords passés ne concernent pas tous les produits laitiers, ni toutes les marques, ni tous les circuits (la restauration n'est pas dans la boucle). Afin que le prix payé aux éleveurs soit davantage défendu, les coopératives demandent donc un élargissement des mesures de soutien.
Et puisque le gouvernement s'est invité dans les négos en interdisant certaines baisses de prix, Leclerc le prend aussi à partie en lui demandant d'exiger des transformateurs laitiers que le prix payé aux éleveurs en 2016 soit "au minimum équivalent à celui de 2015".
Étiquetage systématique de l’origine
Intermarché, de son côté, a appelé les pouvoirs publics à organiser une grande conférence agricole annuelle permettant de réunir tous les acteurs de la filière. Les Mousquetaires réclament aussi un étiquetage systématique de l’origine géographique des produits carnés. Une exception européenne, qui ne pourrait concerner que les produits français et que le gouvernement cherche effectivement à faire accepter à Bruxelles.
En attendant, pointait début février l'UFC-Que Choisir, 54% des produits en rayon à base de viande ne disent toujours rien de l'origine de la matière première (et même 3 références sur 4 pour les aliments à base de poulet).
Les Ateliers du Frais 2016
Le rendez-vous de la filière produits frais
Participez aux Ateliers du Frais, organisés par Linéaires le 10 mars à Paris : une journée d'échanges et de débats sur la valorisation des produits frais en grande distribution.
> La contractualisation
> L'offre
> Les concepts de rayons